Un accord ? Non, merci !

Quelques questions à propos du conflit autour de l’accord interprofessionnel

Voilà que surgit un énième accord qui enfoncera les travailleurs toujours plus profondément dans la misère. Aujourd’hui, on le nomme accord interprofessionnel, et demain on lui donnera un autre nom encore. Les syndicats ont appelé à des journées d’action, des milliers de gens sont descendus dans la rue, des piquets de grève ont bloqué l’accès à nombreuses entreprises et zones industrielles. Que veulent tous ces gens-là ? C’est une question sur laquelle je ne vais pas spéculer. Ma question serait plutôt de savoir si un accord quelconque pourra un jour nous être profitable ? Ou bien si des accords de ce genre n'instituent pas plutôt notre misère…

Honnêtement, entendre parler de grèves provoque toujours un sourire en coin sur mon visage. En tout cas lorsqu'elles parviennent à bouleverser un peu la normalité. Rapidement pourtant, je m'attriste en apprenant les revendications des gens qui sont en train de protester : ils restent avec l’illusion qu’un accord puisse être conclu entre les pauvres et les riches, entre les patrons et les travailleurs, entre les gens et l’Etat. Tant que des gens demanderont aux puissants qu'ils fassent des concessions, ou que ceux-ci frappent moins fort (sans jamais rendre les coups eux-mêmes), ils resteront toujours exploités, et la situation ne changera jamais. Tant qu’un mendiant continue de mendier, il reste mendiant.

Aussi, voudrais-je maintenant placer un mot sur les syndicats. Que les gens aient cru autrefois que le salut viendrait de leur côté, on pourrait encore le comprendre dans une certaine mesure. Les syndicats affichaient alors une certaine combativité, et certains objectifs ont même été atteints. Rapidement pourtant, il est quand même devenu clair que la lutte syndicale ne changeait jamais réellement quoi que ce soit, bien au contraire. A présent, leur fonction est même devenue plus que ridicule. Combatifs ? Oublie-le. Ils se comportent comme un amortisseur entre les riches et les pauvres. Ils font en sorte que les riches ne fassent pas de choses « trop » dégueulasses, canalisant toujours le mécontentement et la grogne. En annonçant des journées d’action, ils veulent par exemple s’approprier le pouvoir de décider quand il faut sortir dans la rue, et surtout quand il ne faut pas le faire. Et la plupart du temps, ils y réussissent plutôt bien.

Pour moi, c’est clair ! Il ne peut pas y avoir de paix entre les pauvres et les riches. Tout accord ne fera qu'entériner notre misère, et fera obstacle sur le chemin vers la liberté. Je ne veux pas dénigrer ici tout cri de colère, mais j'espère que les gens capteront vite que s’ils veulent que quelque chose change, ils devront le faire par eux-mêmes. Qu'ils n'abandonneront plus cette colère, qu'ils ne la délégueront plus aux syndicats ou aux partis qui jouent tous les mêmes jeux de pouvoir. Il s'agit à présent de prendre l’initiative en déterminant par soi-même et les moyens, et les méthodes de lutte.

Il ne peut y avoir d'accord avec l’ennemi ! Regardons ce qui s’est passé en France lors du dernier conflit autour des retraites. Grandes manifestations, piquets de grève, une partie du pays paralysée. Et pendant que le conflit était étouffé par les syndicats, l’Etat a simplement mis en place le nouveau système des retraites. C’est une illusion de croire qu'on puisse conclure des compromis. S’il le faut vraiment, ils nous feront même avaler leurs accords de force. Et c’est par la force qu’il faudra alors s’y opposer.


Quelques épisodes du conflit autour de l’accord interprofessionnel

30 janvier – A Charleroi, des grèves paralysent une grande partie du secteur industriel et marchand. Plusieurs supermarchés et zonings industriels sont bloqués par des piquets. A d’autres endroits de Wallonie, quelques grèves dans les entreprises ou des blocages perturbent quelque peu l’économie.
4 février – Lors d’une nouvelle journée d’action, c’est surtout le Centre qui est touché. Toutes les industries autour de Tubize et de Nivelles sont à l’arrêt. Dans d’autres villes wallonnes, des piquets de grèves bloquent l’accès à des supermarchés et à d'autres zonings industriels.
11 février – Une bonne partie de l’économie du bassin industriel de Charleroi est bloquée par des piquets de grève. Pour la première fois depuis le début du conflit, le secteur du bâtiment est aussi touché : beaucoup de chantiers sont à l’arrêt, toutes les grosses centrales à béton sont bloquées. Des piquets de grève empêchent aussi l’accès à nombre de bâtiments administratifs comme le Forem, l’Onem ou le CPAS.
18 février – Une bonne partie de l’activité économique de Liège est paralysée par des grèves et des piquets. Ce sont notamment les ouvriers de la sidérurgie qui s’efforcent de bloquer des accès stratégiques aux zonings industriels. Sinon, 8000 personnes manifestent dans les rues liégeoises. A Verviers aussi, le plus important zoning industriel est bloqué par des piquets de grève, tout comme l’accès à la centrale nucléaire de Tihange, empêchant les travailleurs de rentrer dans la centrale. A Nivelles, une manifestation de 400 personnes se dirige sur l’important axe routier E19 et le bloque pendant un certain temps, avant de déambuler en ville. A Bruxelles, 300 personnes occupent pendant quelques heures une partie du bâtiment de la Fédération des Entrepreneurs Belges (FEB). A Anvers, ils sont 2000 à avoir répondu à l’appel à manifester du syndicat socialiste ; une grève y perturbe aussi les transports en commun.