La contre-révolution de la “stabilité” et de “l'ordre”

En Egypte, les forces réactionnaires se réorganisent

Tout de suite après que le soulèvement indomptable mettait le président égyptien Moubarak à genoux, l'armée prenait le pouvoir. De fait, ceci signifiait que les mêmes généraux qui ont servi sous Moubarak exercent toujours leur joug sur le pays. Ces derniers mois, lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, des dizaines de personnes ont été tuées, des milliers d'autres blessées. Déjà 14 000 personnes, qui ont participé au soulèvement entre autre après que Moubarak ait cédé le pouvoir aux militaires, ont été jugées par des tribunaux militaires. Le commando militaire a établi un contrôle total sur les médias. De par ces médias, il s'essaye à une politique de division pour mieux régner en répandant de la propagande contre les manifestants coptes. Évidemment, les rapports de force ont été altéré après la chute de Moubarak. Les militaires se rendent par exemple bien compte qu'ils feraient mieux de garder les Frères Musulmans et les salafistes en amis (ils ne réagissent pas contre la violence salafiste). Les propositions pour des changements dans la constitution prenaient en compte les intérêts des salafistes (sans pour autant renoncer à leurs propres intérêts). En échange, les Frères Musulmans ont fourni les voix décisives pour le référendum et pour soutenir la légitimité nécessaire des chefs militaires. Le tout est justifié par le besoin de restaurer « la stabilité et l'ordre », ce qui est une revendication dans laquelle les classes dominantes pourraient se retrouver vu leurs intérêts économiques (des troubles font rarement du bien au commerce). Mais aussi toute la classe politique, qui n'avait presque pas de prise sur le soulèvement (et ceci inquiète toujours les politiciens) et dont certains craignent toujours de se voir présenter les comptes pour leur rôle dans l'ancien régime. En finalement aussi les Frères Musulmans, qui comptent bientôt prendre en mains cet ordre-là. Les insurgés qui étaient là depuis les premiers jours, en payent le prix.

Que le sommet de l'armée dirige la contre-révolution n'est pas tellement étonnant. Pendant le soulèvement, l'armée s'est tenue, dans un certain mesure, à l'écart, probablement parce que les conscrits qui la compose sont issus de la population. L'armée et le régime ne pouvaient donc pas (comme par exemple en Libye), jouer sur la loyauté à une ethnie ou à une tribu afin de défendre le pouvoir contre les insurgés. Une intervention ouverte et affirmée de l'armée égyptienne contre le soulèvement, aurait bien pu résulter en un anéantissement de celui-ci. Donc, la position des chefs militaires était « neutre ». Cette « neutralité » signifiait dans la pratique évidemment par exemple de cautionner l'assaut des partisans de Moubarak contre la place Tahrir. Et c'était sous couvert de cette même « neutralité » que les chefs militaires envoyaient les blindés et les tanks dans les rues pour imposer le couvre-feu. Que le commandement militaire se prétend aujourd'hui « défenseur de la révolution » relève d'un cynisme hallucinant.