Sabotons les travaux du Réseau Express Régional
Le silence relatif qui entoure les gigantesques travaux en cours pour
le fameux réseau ferroviaire RER est tout à fait inquiétant. Ce
n'est pas que les politiciens et gestionnaires de tous bords n'ont
pas fait la pub de ce projet, ni que les riverains ou les populations
bruxelloises ne sont pas concernés par les travaux qui avancent.
Car, aux quatre coins de Bruxelles, des dizaines d'engins et des
centaines d'ouvriers travaillent pour niveler la terre, abattre les
obstacles sur le chemin des tracés, creuser des fossés à deux pas
des maisons, déverser du béton à tout va, construire les
installations électriques rudimentaires, creuser d'énormes tunnels,
etc. Non, les travaux ne se passent pas en silence, mais ils semblent
bien passés sous silence.
Penchons-nous donc un instant sur les motivations de ce projet
monstrueux. L'ambition affichée et défendue ne pourrait être plus
claire : garantir à Bruxelles, métropole en devenir, un réseau
de transport rapide, viable, sécurisé et omniprésent. Si les
nombreux réaménagements de quartier poussent de plus en plus les
basses couches de la société, main-d’œuvre pourtant
indispensable au capital hors de la ville, vers les périphéries, il
est évident que le pouvoir s'est demandé comment tous ces gens-là,
une fois stockés hors de la ville, vont réussir à venir à
Bruxelles pour bosser dans les zones industrielles, les entreprises
liées à l'aéroport, les divers ateliers de l'intérieur de la
ville...
Le développement urbain de Bruxelles, qui vise à adapter la ville
toujours plus aux exigences et besoins de l'économie et du contrôle,
a peut-être son tendon d'Achille : le transport urbain qui doit
garantir le va-et-vient des travailleurs et des consommateurs, des
cadres et des administrateurs. Sans connexion aux réseaux de
transport, toutes les autres constructions horrifiantes et abjectes
(centres commerciaux, centres administratifs, usines, aéroport,
centres de divertissement) seraient comme des organes sans veines.
Les futurs lignes et tracés du RER forment comme une toile qui
renfermera tout ce qui entoure la ville, le collera à celle-ci,
l'associera à son activité économique et à sa gestion sociale. Le
RER, on le voit dans des métropoles déjà fort développées comme
Paris ou Londres, ce sont ces wagons remplis de gens tristes dont la
vie ne ressemble nullement à un voyage, une découverte, une
aventure, mais plutôt à un train-train prédéterminé et éternel,
entre la cage à poules qui leur sert de maison et le boulot. Le RER
est le symbole des valeurs que prône la société actuelle :
obéir, travailler, consommer, crever. En toute vitesse et en toute
sécurité.
Pour arrêter le train-train quotidien, il n'y a d'autre choix que de
tirer, de force, le frein d'urgence. C'est la seule façon
d'interrompre un quotidien fait d'esclavage et de résignation.
S'opposer à la construction du RER appelle à une approche
semblable : des actes directs et sans médiation pour mettre des
bâtons dans la roue des travaux. Une fois résolu à l'action, une
fois déterminé à agir pour arrêter cet ouvrage de la domination,
le révolté scrute l'horizon et distingue les cibles, disséminées
partout, sur et au-delà du territoire de Bruxelles : des
dizaines, voire des centaines de kilomètres de chantiers, de
travaux, et les baraques, engins, transformateurs, matériaux de
construction, etc. qui vont avec... et ne sont aucunement à l'abri
de celui qui a développé sa critique de ce projet et arrive à
cette conclusion pratique : saboter les chantiers du RER, c'est
s'attaquer au pouvoir qui configure l'espace et le temps en fonction
de l'exploitation, de l'oppression et du contrôle.