Deux pylônes de transmission RTBF et VRT incendiés la veille des élections
SABOTAGE La veille des élections. Le cirque des opinions et du bombardement incessant de mensonges et de promesses touche à sa fin. L’électeur se prépare à faire son devoir de citoyen. Il se plaint, sans doute. Il se plaint que les politiciens n’ont plus d’idées, qu’ils sont tous pareils, qu’ils forment tous une grande mafia. Mais il va quand même aux urnes. Il va quand même choisir son maître et donner son approbation à ce que tout continue comme avant. Et ainsi, il devient complice des politiciens. Et ainsi, il devient aussi l’ennemi de ceux qui rejettent toute ce cirque, de ceux qui refusent d’avoir encore des maîtres ou des patrons, de gauche comme de droite, corrompus comme « intègres ». Il devient notre ennemi, l’ennemi de ceux qui aiment la liberté.
La veille des élections. Pendant la nuit, à Wavre, un énorme pylône de transmission appartenant à la RTBF est incendié. C’est le black-out total pour plusieurs émissions de radio, des émissions de télévision digitales sont perturbées. En Brabant Wallon et dans le sud de Bruxelles, il n’y a tout simplement plus de réseau de téléphonie et d’internet mobile de Base, car le pylône servait aussi de nœud entre des dizaines, voir des centaines, de relais de téléphonie mobile. Et ailleurs, à Veltem-Beisem près de Louvain, cette même nuit, un autre pylône de transmission, appartenant cette fois-ci à la VRT, est également saboté avec le feu. Là, sont surtout touchées quelques radios flamandes dont les émissions sont perturbées. Ainsi, la veille des élections, le jour des élections, des centaines de milliers de personnes se retrouvent pour une fois à l’abri du bombardement de données, de la frénésie de la communication moderne qui n’est qu’aliénation, du contrôle sur les cerveaux que les puissants exercent via leurs appareils de propagande.
Le jour des élections, on était tous supposés d’écouter la voix du maître qui nous parvient depuis l’internet, la télévision et la radio. On était supposé de parler toute au longue de la journée des résultats des élections. Mais peut-être, grâce à ces sabotages, il y en a qui ont parlé d’autre chose, qui sait. Le sabotage provoque une rupture, une fissure dans la normalité. Quelque chose qui n’était pas supposée d’avoir lieu. Quelque chose d’anormal. Ce n’est pas pour rien que l’administrateur de la RTBF disait que « Quand on attaque un média, c’est grave pour tout le monde. Je pense qu’on a voulu envoyer un signal nauséabond. » Nauséabond, pour qui ? Nauséabond, c’est le mot qu’on réserverait plutôt pour le cirque des élections, pour le monde dans lequel on vit, pour le spectacle par lequel le pouvoir s’assure d’une adhésion de ses sujets en le présentant comme « un choix ». Nauséabond, ce sont les médias qui lavent les cerveaux, ce sont les journalistes qui transmettent la voix du pouvoir et légitiment toutes les atrocités commis au nom du pouvoir, de la guerre en passant par l’empoissonnement total de l’environnement aux assassinats policiers. Nauséabond, c’est que nous vivons dans une époque où les moyens de communications sont omniprésents, mais où plus personne ne sait communiquer, dialoguer, discuter, réfléchir, car tout le monde répète ce que les machines et les écrans leur disent.
Les anarchistes sont des ennemis de toute autorité, qu’elle soit étatique, capitaliste ou patriarcale. Ils sont pour la liberté et contre l’esclavage. Mais ils ne sont pas dupes. Ils savent que l’autorité, ce ne sont pas seulement les politiciens, les capitalistes et les chefs. Ce sont aussi ceux qui obéissent, qui acceptent d’être exploités, qui suivent les ordres. Si on ne mettra jamais sur le même plan ceux qui exercent et ceux qui subissent l’autorité, ceux qui possèdent les industries et ceux qui sont exploités dans les usines, ceux qui portent l’uniforme et ceux qui se voient forcés à le respecter, on ne cessera pas d’indiquer que le seul chemin pour s’affranchir, c’est d’entrer en lutte, c’est de casser la cohabitation entre maîtres et esclaves.
On est probablement nombreux à se le demander. Comment ça se fait qu’à travers des siècles d’oppression et d’exploitation, le système capitaliste et le pouvoir étatique semblent toujours en bonne santé ? Pourquoi n’ont-ils pas été effacés de la surface de la planète, jetés dans les égouts comme toute pourriture ? Beaucoup de tentatives ont été faites, des tentatives d’insurrection et de révolution sociale. Mais aujourd’hui, il faut prendre acte du fait que la domination a réussi à inclure une grande majorité des exploités mêmes. A travers le fétichisme de la consommation, l’abrutissement généralisé, la décentralisation du pouvoir dans tous les sphères de la vie humaine, le capital et l’Etat semblent, pour l’instant, réussir à bloquer tout horizon autre que la reproduction de ce qui existe. Cette reproduction-là, la reproduction sociale de la domination, c’est probablement la cible principale de l’intervention révolutionnaire d’aujourd’hui. Si il y a parfois de révoltes, un mécontentement qui s’exprime dans la rue, des réactions virulentes contre une énième crime du pouvoir, il s’agit de cibler plus loin, plus profond, plus fondamental : il s’agit de cibler ce qui est supposé de garantir « le cours normale des choses ».
Pour retourner aux sabotages de pylônes de transmission de la RTBF et du VRT, on croît qu’ils fournissent quelques indications importantes quant aux méthodes de lutte à employer et aux champs d’intervention possibles. Si le monde technologique instille en permanence, 24h sur 24, la résignation et l’acceptation de notre « place » dans la société, la place de moutons qui consomment, travaillent et obéissent, il dépend en même temps de très nombreuses structures, disséminées partout autour de nous, qui sont assez faciles à saboter. Et aucune force militaire ou surveillance accrue ne pourrait jamais les protéger efficacement.
Provoquer le court-circuit dans le quotidien fait d’abrutissement et d’exploitation revient à fissurer la couche de béton qui nous écrase tous et toutes. Il n’y a pas à attendre un moment magique où « les gens » prendront conscience de leur situation et descendront dans la rue. Toute attente joue en effet le jeu de la domination, qui jour après jour se construit et se consolide, dans le matériel (nouvelles prisons, nouveaux commissariats, nouvelles industries, nouveaux réseaux de contrôle) comme dans l’esprit (lavage de cerveaux, effacement de l’idée même de révolte, réduction de la vie à la marchandise). C’est depuis les fissures que les révoltés sauront provoquer qui pourrait surgir un autre horizon, un horizon de liberté et de révolution sociale.