A l'ombre des tours de la gare du Nord
Tout au long du mois d'août, ils ont logé là-bas, dans le parc Maximilien, entouré par les buildings qui cernent la gare du Nord, à Bruxelles. Un mélange animé de Roms qui avaient été chassés de France, de sans papiers ayant demandé l'asile tant de fois qu'ils n'ont plus aucune chance d’y accéder, et d'autres qui peuvent encore tenter le coup, mais qui ont été mis à la porte habituelle. Avec des barrières Nadar et des tentes, ils ont improvisé un abri. Avant l'été, nous avions vu des déplacements nomades de grands groupes de sans papiers qui déménageaient d'immeuble de bureaux vers les parcs, en passant par un hôtel abandonné, pourchassés par les flics. Et puis vint le silence. Moins de bruit, mais pas moins de misère pour autant. Les groupes se sont scindés pour trouver refuge dans des squats à travers la ville. De temps en temps, certains en étaient expulsés à grands coups de déploiement de flics, quand d'autres pouvaient rester un peu plus longtemps.
Dans le parc, une partie s'est à nouveau retrouvée, de partout et de toutes les communautés. Chaque jour, ils étaient un peu plus, jusqu’à 150 au final. Ils ont pu compter sur l'aide de personnes habitant dans les HLM du quartier, qui leur amenaient à manger et de quoi se chauffer. À la rentrée, certains gamins du quartier ne voulaient même pas aller à l'école, tellement il leur semblait bien plus sensé de jouer avec tous ces nouveaux enfants au lieu de passer leur temps sur un banc. Et puis est venue une poignée d'organisations de 'bienfaisance' qui a cru que le moment était venu pour organiser une conférence de presse, pour tirer la soi-disant sonnette d'alarme devant les caméras. Le soir même, le bourgmestre de Bruxelles et le grand boss du Parti Socialiste, Freddy Thielemans, ont décidé d'intervenir. Finie la tolérance !
Selon la bonne vieille technique de diviser pour mieux régner, le groupe a été éclaté. D'un côté les 'bénéficiaires' qui pouvaient faire la file pour obtenir l'aide du gouvernement, et de l'autre ceux qui devaient être déportés au plus vite. Toute la journée, ils ont fait la queue, une famille après l'autre, pour un entretien avec Fedasil, juste à côté du parc. Certains sortaient d'un air soulagé, pensant qu'ils avaient trouvé un hébergement. Mais les apparences sont trompeuses : Fedasil a envoyé une 50-aine de personnes vers les soi-disant centres ouverts éparpillés travers tout le pays. Des asiles où ils reçoivent un matelas pendant un temps, où ils sont gavés de médocs pour être plus dociles, où ça fait moins scandale d'enfermer les enfants, et d'où ils finissent tout de même par être amenés dans l'avion une fois leur dossier 'traité'. Tous isolés, loin des yeux des caméras, loin des yeux des possibles complices. Des centres ouverts, des camps tout pareils, de Fedasil ou de la Croix Rouge, qui peut à peine masquer son visage de collabo.
Une centaine de personnes a reçu de l'Office des Étrangers un ordre de quitter le territoire. Ça a duré deux jours sur le campus de l'ULB, avant qu'ils ne soient chassés pour repartir zoner dans la ville ou dans un hangar vide à Jette, où certains se trouvent toujours. En attendant une prochaine expulsion, pour tout recommencer à zéro.
“Pourquoi doivent-ils habiter dans des tentes ? Regardez tous ces bureaux vides autour de vous.”
Un habitant du quartier