Un récit parmi d'autres.
Nous étions là, une quarantaine devant le centre fermé de Vottem, nos cœurs encore tout chaud des nouvelles de révolte dans le camp à Steenokkerzeel seulement une semaine passée, et de la possibilité d'évasion tellement à portée de la main. Une bande bruyante, déterminée. Des personnes grimpent les grilles, d'autres commencent à taper dessus. On gueule et on gueule, des pétards pètent de partout, des feux d'artifices sont lancés, y en a un qui ne part pas, grosse explosion, ça fait plaisir d'entendre un boom pareil devant un lieu tellement exécrable. Quelques riverains sortent de leurs maisons, le sourire au visage. Après l'incendie à Steenokkerzeel la semaine passée, qui rend inutilisable deux tiers de la prison, quelques émeutiers avaient été transférés à Vottem, entre autres. Des 150 sans papiers qui venaient de se faire violemment expulser d'un lieu occupé à Anderlecht, 10 avaient été enfermés à Vottem, 5 déjà foutus sur l'avion déporteur. On était arrivé un peu après 17h, les enfermés venaient de quitter le préau, et on entendait peu de retour de l'intérieur. Quand des pinces volent par dessus les grilles, on entend des cris de joie. Après une petite demie heure, on part en manif et on passe les matons venus nous regarder en nombre, ils se font insulter de tous les noms. La manif descend et continue direction la Citadelle, aux cris de "Solidarité avec les sans papiers, avec les révoltés", "Brique par brique, mur par mur, détruisons toutes les prisons", "Freedom for all, break that wall". À deux reprises, la route est barrée, dans une tentative de ralentir les quelques voitures de keufs qui nous suivent. Un certain moment, les poulets arrivent du devant, on s'accroche ensemble, on passe le barrage. Ils essayent d'arrêter une compagnonne, on l'arrache. Un flic se prend une bonne baffe dans la gueule. Après le chaos, plusieurs voitures de flics arrivent de partout, quelques personnes sont plaquées au sol, violemment. D'autres sont arrêtés aux alentours.
Peu après, je me retrouve enfermé avec une quinzaine d'autres que les flics ont décidé d'enlever de la rue. Refus de donner la carte d'identité. Refus de leur répondre gentiment. Menottés. Dans le combi, on entend sur leur radio qu'une voiture s'était fait dégrader sur le terrain de la prison, qu'il y a un mouvement dans le centre fermé. On passe pas mal de patrouilles qui se précipitent direction centre. On n'en saurait pas grand chose de plus.
On atterrit dans les cages cellulaires du bureau de police de Herstal, ce petit village qui héberge également l'usine d'armes FN qui envoi ses armes un peu partout dans le monde pour massacrer les révoltés. Pas de bol, quand l'État se remplit les poches avec les gros deals d'armes, elle ne doit pas s'étonner qu'elles soient effectivement utilisées. Hypocrites.
Dans le commissariat, ils forcent certaines d'entre nous de nous habiller totalement, de faire trois flexions. Les fliquettes avaient envie de voir du cul. La même flique qui nous avait humilié profondément lors de la fouille pendant l'arrestation (elle rentre dans notre culotte, frotte nos seins), se fait plaisir une deuxième fois. Une compagnonne commence à gueuler, les autres répondent. Après, ils essayent de prendre des photos, la première qui passe, résiste farouchement. Quatre flics lui sautent dessus, clés de bras, cheveux arrachés. Elle gueule, les autres répondent, tapent les portes des cellules. Elle persiste. Pas de photos. Les flics en ont marre et lâchent l'affaire. Après, il suffit d'un simple 'non', personne se fait prendre en photo. Comme quoi la lutte paie. Après quelques 'non, je refuse', les flics ne peinent même plus à demander des déclarations, même plus de signer les refus de déclaration. Aux alentours de 20h, on est tous relâchés.
Tout continuera. Salutations aux révoltés de Steenokkerzeel, aux révoltés de partout ailleurs, aux compagnons (Olivier, Dan, Ivan) qui sont actuellement enfermés dans une taule parisienne pour leur participation à la lutte contre les centres de rétention, contre tous les enfermements. Leur lutte, comme la nôtre.