C’est une vieille astuce, mais elle est encore pratiquée de manière enthousiaste, vu qu’à chaque fois elle fait preuve d’efficacité : le racket financier ! Son principe est plutôt simple : des quartiers riches, des magasins chics ou des événements branchés repoussent logiquement les pauvres. Les propriétaires le font évidemment exprès, pour pouvoir déterminer qui passe et qui fréquente ces lieux. Les pauvres n’ont rien à dire, ils sont exclus. Ces jours-ci, les prestidigitateurs capitalistes ne masquent presque plus leur intention de tromper le public ; ils effectuent les manœuvres nécessaires grossièrement et brutalement, et se noient presque dans leur propre arrogance, fiers qu’ils sont du résultat obtenu.
Il y a quelques semaines, le domaine récréatif de Hofstade a été entièrement clôturé d’une enceinte, doublée d’un sas gardé par des policiers. On n’y passe pas sans contrôle d’identité, ou sans payer l’entrée en tant que non-habitant du village. Ils l’ont fait à cause du fait que c’était toujours plus difficile de l’appeler « agréable », à cause de la présence de quelques machos irritants. Mais bon, ça faisait des années que c’étaient comme ça. Pour eux, la vraie goutte qui a fait déborder le vase a été une grande bagarre où des dizaines de jeunes ont pris à partie les policiers, en les chassant à coups de pieds et de poings du domaine. La réponse a été l’installation d’une porte d’entrée qui vaut bien celle d’un aéroport ou d’une prison. En premier lieu, l’objectif est de tenir à l’écart les jeunes en leur imposant un prix à l’entrée. Et s’il y a quand même encore des gens prêts à mettre le fric, alors ils sont bien contrôlés, et irrévocablement flanqués à la porte si on les soupçonne de « comportements inacceptables ». Pas besoin de spécifier que le point limite où le comportement devient « inacceptable », est entièrement déterminé par les flics et le Bloso, l’organisme qui gère le domaine et la caisse.
Quoi qu’il en soit, les jeunes ne viennent plus, les villageois râlent à cause de cette enceinte tout autour, mais le calme est revenu. Bloso est content, mais réservé. Il a évidemment compris que ces gamins étaient quand-même bien en tant que consommateurs… la vente de glaces et de boissons a plongée. Apparemment, les capitalistes ne peuvent quand-même parfois pas tout avoir.
Mais évidemment, ils continuent d’essayer. D’autres domaines récréatifs dans le pays voyaient déjà venir l’averse, suite aux événements et à la militarisation du domaine de Hofstade. Ardemment, ils ont déclaré la guerre face à l’invraisemblable avancée des troupes du désordre. Quoi que c’est avant tout de manière préventive, car dans la plupart des domaines, on doit avouer qu’ils n’ont jamais eu des vrais problèmes. Mais mieux vaut prévenir que guérir, ont pensé les directeurs des domaines de Kessel-Lo, Diest et Huizingen : ils ont considérablement augmenté l’entrée de leurs pathétiques terrains de jeu. Et bien entendu, là aussi uniquement pour les non-habitants de la région en question.
Certains de ces patrons du récréatif venaient sans honte expliquer à la télévision locale la vieille astuce. Le citoyen moyen a compris, et donné son accord. Ce qui n’est pas encore là, peut encore venir, pensaient-ils. Puis ils ont zappé vers une autre chaîne, et noté anxieusement les résultats du Lotto…