Criminalité, ze-kwa-sa?

La criminalité, c’est un problème. Voilà une vérité aveuglante. Le fameux sentiment d’insécurité en est la conséquence et plus d’agents de police et de contrôle est le remède. Des hordes entières de politiciens fondent leurs campagnes électorales sur cette vérité. Les médias vivent des histoires sensationnelles qu’ils vendent à leurs lecteurs indignés. Les entreprises de sécurité s’en font du fric et sont devenues un des rares secteurs qui continue à croître et à embaucher plus de personnel.

La criminalité, c’est une solution. Voilà un simple constat quand on observe les crimes les plus commentés : braquages, vols, cambriolages. Pour survivre dans cette société, il nous faut des thunes. Et depuis que consommer est assimilé à vivre, même pour vivre il nous faut des thunes. Bref, tout a son prix.
La manière permise pour obtenir des thunes n’est pas toujours la plus accessible. Quand par exemple on n’est pas prêt à accepter les humiliations, l'absence de sens, la vie gaspillée, le corps détruit en échange d’un maigre salaire. Ou quand ça ne nous est même pas offert. Alors, il reste toujours la manière non-permise pour arracher quelques thunes.

Les tribunaux anglais qui condamnent aujourd’hui à la chaîne des gens pour avoir participé à des pillages, nous démontrent une fois de plus qu’il ne faut pas disposer d’une quelconque particularité génétique afin d'opter pour la manière illégale. De 11 à 59 ans, d’un professeur aux élèves, d’un employé de supermarché (celui-là même qui a été pillé) aux chômeurs, d’un chef de cuisine d’un restaurant aux livreurs de pizzas, des parents et des enfants, des femmes et des hommes et à l’inverse de tous les commentaires racistes, toutes les couleurs de peau étaient présentes. Tous ont profité de l’occasion pour s’approprier directement des choses qui, en d’autres circonstances, leur coûteraient beaucoup trop.

Donc, pour nombreuses personnes, la criminalité peut être une solution. Surtout quand les risques semblent limités, notamment le risque d’être pris et de devoir subir la vengeance de la Loi. Certains font tout pour augmenter ces risques le plus possible.

Car pour certains, la criminalité est un vrai problème. Pour les commerçants qui veulent transformer nos vies en argent. Qui augmenteraient volontiers les prix à l’infini s’ils ne croiraient pas qu’en baissant un peu le prix, ils peuvent vendre plus et donc faire plus de profits. Qui paieraient volontiers les salaires les plus bas possible s’ils ne pensaient pas qu’en payant un peu plus de salaire, on favorisera production et consommation, générant donc plus de profits. Pareil pour l’Etat qui se donne le rôle de protecteur de l’économie, c'est-à-dire, le système où on oblige les gens à vendre leur énergie à des entreprises, pour pouvoir acheter un misérable succédané de la vie (la consommation) avec le salaire. Pour pouvoir imposer ce rôle de dépendance et de soumission, les autres manières pour avoir de l’argent sont déclarées illégales et punies dans les tribunaux de l’Etat.
L’Etat fait de la criminalité un problème. Il prétend nous protéger de la criminalité, alors qu’en vrai, il défend simplement l’économie et ses règles. Il prononce des condamnations morales sur les « bons » et les « méchants », sur les « travailleurs honnêtes » et les « profiteurs ». Il crée le sentiment d’insécurité pour ensuite pouvoir se présenter comme solution. Et pour ceux qui n’avalent pas l’idéologie de l’Etat et du Capital, il y a la loi. Qui ne veut pas entendre, la sentira.

Et donc, la criminalité n’est donc pas uniquement une solution, mais aussi un problème. Nous avons vu entrer en taule beaucoup de personnes. Le contrôle augmente et la répression n’est pas avare dans l’octroi des peines. Les endroits où se trouvent des montagnes de thunes (les quartiers riches, les banques, les grands commerces, les magasins de luxe) sont toujours mieux protégés. Peut-être les émeutes anglaises pourraient fournir un exemple du fait que malgré tout, les mercenaires de l’Etat ne contrôlent pas toujours tout. Et, même face aux techniques de contrôle les plus sophistiquées et une présence massive d’uniformes, un peu de créativité et d’audace peuvent souvent ouvrir de nouvelles possibilités.
La criminalité est aussi un problème quand elle n’est qu’une manière alternative pour quand-même faire partie de l’économie. Quand la criminalité vise uniquement la consommation sans vie. Quand elle copie les rôles de dépendance et de soumission du monde de travail salarié.

La criminalité peut être une solution. La criminalité peut être un problème. Mais par rapport à la police, l’Etat, la Loi et le Capital, on peut être clair : ils sont nos ennemis.