Depuis bientôt deux
mois, la routine quotidienne à la prison de Saint-Gilles suit le
rythme des grèves des gardiens. Lundi et vendredi sont les jours de
grève fixes, mais aussi les autres jours de la semaine peuvent
succomber à la grève ou à des massives absences pour maladies de
gardiens. Les motivations des syndicats sont toujours les mêmes:
l'insécurité des gardiens à cause de la surpopulation et des
prisonniers révoltés. Leur solution: plus d'infrastructures
sécuritaires, plus de prisons, plus de gardiens et plus de pouvoir
pour les gardiens (qui se croient déjà maintenant quasi comme les
souverains de la prison). Les deux solutions plus faciles et
évidentes – libérer les prisonniers ou quitter le boulot –
n'ont jamais été prises en considération. Il leur faudrait un
petit coup de pouce.
Lors des grèves,
les gardiens sont remplacés par la police locale et la protection
civile. Les flics de la zone Midi profitent de telles occasions pour
harceler et provoquer les prisonniers qu'ils connaissent de la rue,
de derrière la porte de la cellule. En tout cas, toutes les
activités et accommodations sont supprimées, tout le monde reste
24h sur 24 en cellule. D’une telle façon, le cours normal des
choses dans la prison (douche, correspondance, cantine, préau,
visite,…) devient un privilège. Les prisonniers devraient en être
doublement reconnaissants que les gardiens travaillent certains
jours, qu’une fois par semaine, ils peuvent se doucher ou avoir une
visite. Les gardiens se montrent pour les preneurs d’otage qu’ils
sont. Ils exercent leur pouvoir absolu sur leurs otages, leur volonté
fait la loi, leur humeur détermine le déroulement de la journée.
Au moins, c’est ce qu’ils voudraient bien en tout cas.
Quand fin juin, les
services psycho-sociales partaient en grève, les prisonniers ont
occupé le préau. La police fédérale a été envoyée sur place
(avec autopompe et hélicoptère). Des émeutes en ont suivi
sur le préau. Fin juillet, après 6 jours de
grève, les esprits se chauffent et plusieurs détenus expriment leur
rage. Un d’entre eux est placé en isolement, où il brûlera son
matelas. Début août, il y a une bagarre avec les matons lors d’un
transfert. Les gardiens quittent la prison et la police ne reprendra
le contrôle de la taule que quelques heures plus tard. 750
prisonniers se retrouvaient pendant un matin quelques temps sans
surveillance. Deux jours plus tard, un détenu attaque deux gardiens.
La semaine dernière (17 août), tôt le matin, une partie du toit de
la prison brûle. [“Cause inconnu”,
c'est vrai que ce n'est pas la première fois que les toits des
prisons s'enflamment d'eux-mêmes, tout comme certaines voitures
dehors... Hors des murs court le bruit qu’un détenu a réussi à
jeter des objets enflammés sur le toit.
Entretemps, les murs
de la station métro Albert (à côté des prisons de Forest et de
Saint-Gilles) sont recouverts de slogans contre l’enfermement, avec
mention des noms de certains délégués des syndicats de gardiens.
Et deux nuits de suite, à Anderlecht, des guets-apens sont tendus
contre des patrouilles de police de la zone Midi.
Ceux qui se lamentent dans
les médias par rapport à la surpopulation dans les prisons sont les
mêmes qui demandent plus de répression et des peines plus lourdes.
Pour nous, la question n’est pas de construire plus de prisons,
mais de raser au sol les prisons existantes.