La nation arc-en-ciel de la démocratie

Vous pouvez choisir, mais la démocratie gagne toujours
 
TON MAÎTRE La démocratie a gagné, c’est la seule conclusion certaine qu’on peut tirer des élections. Car s’il y avait quelque chose de différente dans ces élections en comparaison avec les éditions précédentes, c’était bien sa diversité en couleurs et ses nombreuses possibilités pour voter « contre le système » et « pour le changement ».

Est-ce que vous croyez que ceux qui sont en dehors de « votre communauté », vos frontières (vous pouvez les dessiner vous-mêmes) vous empêchent d’avancer, d’obtenir ce qu’à dont vous croyez avoir droit ? Plein de choix alors. Du racisme culturel – économiquement justifié – jusqu’aux versions plus grossières des racismes étniques et réligieux. De « Une langue, une nation » en passant par « Moins d’immigrés » jusqu’à la haine des juifs, ces racismes sont de retour sans jamais être disparus. Vous pouvez maintenant sans gêne être un raciste démocratique avec même une lueur de « anti-establishement. »

Est-ce que vous croyez que les entreprises multinationales et les néolibéraux veulent supprimer votre travail et remettre en cause, de pair avec votre revenu, aussi votre identité ? Pas de souci, maintenant vous pouvez abolir le capitalisme par le biais d’élections démocratiques. Bon, oui, vous pouvez en arrondir les angles. Au moins, si le marché international veut bien. En fait, vous pouvez juste remplacer les exploiteurs internationaux par des exploiteurs locaux et durables. Et adoucir quelque peu la dépendance du marché en augmentant la dépendance du gouvernement. Vous pouvez maintenant être un anticapitaliste démocratique sans aucune conséquence pratique (négative ou positive).

Est-ce que vous croyez que nos maîtres sont des marxistes cachés et contrecarrent vos tentatives d’aggrandir vos marges de bénéfice (la piscine ne se rembourse pas par soi-même) ? Bien, il suffit d’embaucher quelques lobbyistes. Certes, cela coûte, mais voter, c’est gratuit et le rendement rendra donc potentiellement l’investissement initial mille fois. Vous pouvez maintenant, sans la menace d’une révolution prolétarienne, être un bourgeois démocratique.

Est-ce que vous croyez que tout ce qui a précédé n’est que d’ordre secondaire si on ne se dépêche pas pour faire quelque chose contre ce changement climatique qui trucidera l’humanité entière ? Alors, vous pouvez voter pour ce parti qui, si tout va bien, aura peut-être quelque chose à dire et pourrait donc faire passer ici et là des petites mesures, au moins si les partenaires de la coalition ne se rouspètent pas, pour sauver quelques pourcentages de verdure dans un pays miniscule. Donc, si vous n’aimez pas tellement l’action radicale, vous pouvez maintenant, afin d’apaiser votre conscience, être un écologiste démocratique.
Vous croyez qu’en fin de compte, tout n’est pas si mal et qu’il ne faut pas trop changer ? Vous avez sans doute le plus grand choix. Car en démocratie, la majorité gagne toujours et la majorité n’est évidemment jamais révolutionnaire.

En disant ceci, nous n’avons pas dit que la démocratie reste toujours et partout pareille. Partout en Europe, des partis néonazis et fascistes se présentent aux élections. Ils ont compris qu’une fois élus leurs chefs populistes, ils auront accès à un appareil de pouvoir qui a développé un contrôle immense sur ses sujets. En entre-temps, s’ils se tiennent aux exigeances de forme démocratiques, ils peuvent diffuser la propaganda la plus dégueulasse. Le régime démocratique peut ainsi être l’anti-chambre d’un régime fasciste. Il ne faut même pas creuser dans le passé pour trouver des preuves pour cette affirmation, il existe suffisamment d’exemples actuels à l’extérieur des frontières de l’Europe occidentale.

Que la démocratie garantisse la liberté et élève des barrières contre des leaders avides de pouvoir n’est que mythe. La démocratie est un régime autoritaire qui, comme tant d’autres régimes, utilise « la volonté du peuple » pour opprimer la volonté de l’individu. La « volonté du peuple » s’appelle aujourd’hui l’opinion publique et les résultats électoraux ne sont qu’une facette de cette machine à légitimer dans laquelle les médias jouent sans doute un rôle important.

En allant voter, l’électeur n’a pas exprimé sa volonté, mais plutôt confirmé que la démocratie est l’expression de « la volonté du peuple ». La démocratie a vaincu et elle peut se remettre à l’oeuvre, avec une énergie renouvellée, à continuer à bâtir son projet de pouvoir.

 
SILENCE RADIO
Impossible à ignorer le spectacle des élections. La tête de chaque habitant de ce pays se faisait laver avec. Chaque phrase d’un politicien ou d’un analyste politique ou même d’un journaliste était immédiatement repriss et répétée à l’infini, analysée et présentée au publique comme un débat sur des contenus.
Silence. Afin de pouvoir réfléchir, il faut un peu de calme, il faut du silence. Difficile à trouver dans cette société. Sur l’arrière-plan, il y a des sussurements permanents. Sur le devant de la scène, s’impose la nécessité de se tenir au courant, de ne surtout rien rater, d’être reliés en permanence avec les autres, toujours occupés, toujours productifs.
Les médias sont les haut-parleurs de la grand-messe de la démocratie – les élections. A Veltem-Beisem et à Wavre, quelques pylônes de transmission étaient touchés par les flammes. En Brabant-Flamand, deux chaînes radio de la VRT ne pouvaient plus émettre. En Brabant-Wallon, trois chaînes radio de la RTBF étaient silenciées, la télévision digitale était perturbée et le réseau de téléphonie et d’internet mobile de Base était paralysé.
Silence.