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Hors Service
Nouvelle prison, même merdier (bis)
Fin août, des détenus de la nouvelle prison de Beveren ont rédigé une lettre de protestation. Il y a des courants d’air, il pleut à l’intérieur de plusieurs cellules, les gardiens sont des brutes et limitent le temps des promenades et du régime de cellules ouvertes comme bon leur semble, les détenus gagnent 0,90 euro par heure quand ils travaillent. La réalité de cette nouvelle taule contraste violemment avec l’image que l’administration pénitentiaire donné afin d’attirer des prisonniers qui demandait leur transfert.
En septembre, il y a eu des affrontements dans la nouvelle prison de Leuze. Les gardiens appellent aux flics pour intervenir contre les détenus qui refusaient de rentrer aux cellules. Là aussi, la réalité de la nouvelle prison contraste violemment avec les « meilleures conditions de détention » qu’agitait l’administration pénitentiaire.
L’Etat cherche de vendre toutes ses nouvelles geôles comme plus « humaines ». Nous sommes cependant inébranlablement convaincus que des prisons plus humaines ou plus vivables ne peuvent pas exister. La réalité mortifère qui règne dans toute geôle ne peut qu’être bouleversée par des actes qui sont dirigés contre la prison. Plus de prisons ne signifie jamais plus de vie, uniquement plus de mort.
En septembre, un détenu à Andenne est décédé après que pendant plusieurs jours, on lui avait juste donné des Dafalgan comme réponse à sa demande de soins médicaux.
Il faut ramener les masses. Tout mur de prison est une attaque directe contre notre dignité.
En septembre, il y a eu des affrontements dans la nouvelle prison de Leuze. Les gardiens appellent aux flics pour intervenir contre les détenus qui refusaient de rentrer aux cellules. Là aussi, la réalité de la nouvelle prison contraste violemment avec les « meilleures conditions de détention » qu’agitait l’administration pénitentiaire.
L’Etat cherche de vendre toutes ses nouvelles geôles comme plus « humaines ». Nous sommes cependant inébranlablement convaincus que des prisons plus humaines ou plus vivables ne peuvent pas exister. La réalité mortifère qui règne dans toute geôle ne peut qu’être bouleversée par des actes qui sont dirigés contre la prison. Plus de prisons ne signifie jamais plus de vie, uniquement plus de mort.
En septembre, un détenu à Andenne est décédé après que pendant plusieurs jours, on lui avait juste donné des Dafalgan comme réponse à sa demande de soins médicaux.
Il faut ramener les masses. Tout mur de prison est une attaque directe contre notre dignité.
Révolte à la prison de Malines
Nous avons reçu cette lettre écrite par des prisonniers de Malines. Elle explique clairement c’est quoi le traitement que la prison et les gardiens réservent aux détenus et parle aussi de la solidarité entre détenus et de la possibilité de se révolter. Le récit de cette lettre porte sur une situation qui a eu lieu il y a un an. Nous profitons de l’occasion ici pour passer nos salutations solidaires à ceux qui ont saisi aussi la plume dans leur combat contre l’oppression. Courage et détermination pour tous ceux qui se battent contre les barreaux de ce monde.
Action
Depuis 2 ou 3 jours, Nasiri se plaignait et demandait de voir un dentiste, car il avait terriblement mal aux dents. Mais on ne le répondait pas. Et ensuite, il est allé voir le médecin, mais il ne voulait pas de médecin, il voulait un dentiste. Et frustré par la douleur continue, il s’est fait entendre. Lors du retour à sa cellule, il a commencé à crier et à hurler contre le personnel. Une fois en cellule, six gardiens sont entrés en trombe dans sa cellule. Ils lui disaient de les accompagner à l’isolement. Nasiri trouvait ça injuste, car il n’avait fait autre chose que demander de l’aide. Les gardiens décidaient alors de l’amener par la force. Par peur, Nasiri commençait à agiter ses bras. Ils l’ont immédiatement maîtrisé et l’ont menotté. Ensuite, ils l’ont trimballé jusqu’à l’isolement. Sur le chemin, ils le cognaient comme si c’était un sac de boxe. Au cachot, ils l’ont mis avec son ventre par terre; deux gardiens posaient leurs genoux sur le dos de Nasiri. Il s’est évanoui. Ils ont dû appeler le SMUR qui l’a réanimé à trois reprises. Ensuite, ils l’ont porté à l’hôpital.
Réaction
Quand des détenus ont appris ce qui se passait, ils se sont révoltés. Ils ont tous commencé à taper sur et à donner des coups de pieds contre les portes, à crier et à hurler ! Quand ils se sont retrouvés au préau, des détenus se sont concertés pour faire justice eux-mêmes. Ils décidaient qu’un détenu allait prendre les clés du gardien lors de la fermeture. Ensuite, il devait ouvrir les autres portes afin de bloquer la section. Une action pour se faire entendre et en espérant d’empêcher ainsi que cela se répètera encore à l’avenir.
Le détenu a réussi à dérober les clés, mais il n’a pas pu ouvrir les portes des cellules. Il a alors pris l’initiative de réaliser l’action tout seul. Tout seul il a réussi à bloquer l’ensemble de la section. Après une heure, les unités de police ont pu le maîtriser et ils l’ont directement transféré.
Mais nous nous rendons bien compte que notre voix ne sera jamais entendue par le système judiciaire. Alors, la guerre est la seule solution pour aller vers la paix ! Et c’est cela qui nous donne de l’espoir !
Solidarité !
Action
Depuis 2 ou 3 jours, Nasiri se plaignait et demandait de voir un dentiste, car il avait terriblement mal aux dents. Mais on ne le répondait pas. Et ensuite, il est allé voir le médecin, mais il ne voulait pas de médecin, il voulait un dentiste. Et frustré par la douleur continue, il s’est fait entendre. Lors du retour à sa cellule, il a commencé à crier et à hurler contre le personnel. Une fois en cellule, six gardiens sont entrés en trombe dans sa cellule. Ils lui disaient de les accompagner à l’isolement. Nasiri trouvait ça injuste, car il n’avait fait autre chose que demander de l’aide. Les gardiens décidaient alors de l’amener par la force. Par peur, Nasiri commençait à agiter ses bras. Ils l’ont immédiatement maîtrisé et l’ont menotté. Ensuite, ils l’ont trimballé jusqu’à l’isolement. Sur le chemin, ils le cognaient comme si c’était un sac de boxe. Au cachot, ils l’ont mis avec son ventre par terre; deux gardiens posaient leurs genoux sur le dos de Nasiri. Il s’est évanoui. Ils ont dû appeler le SMUR qui l’a réanimé à trois reprises. Ensuite, ils l’ont porté à l’hôpital.
Réaction
Quand des détenus ont appris ce qui se passait, ils se sont révoltés. Ils ont tous commencé à taper sur et à donner des coups de pieds contre les portes, à crier et à hurler ! Quand ils se sont retrouvés au préau, des détenus se sont concertés pour faire justice eux-mêmes. Ils décidaient qu’un détenu allait prendre les clés du gardien lors de la fermeture. Ensuite, il devait ouvrir les autres portes afin de bloquer la section. Une action pour se faire entendre et en espérant d’empêcher ainsi que cela se répètera encore à l’avenir.
Le détenu a réussi à dérober les clés, mais il n’a pas pu ouvrir les portes des cellules. Il a alors pris l’initiative de réaliser l’action tout seul. Tout seul il a réussi à bloquer l’ensemble de la section. Après une heure, les unités de police ont pu le maîtriser et ils l’ont directement transféré.
Mais nous nous rendons bien compte que notre voix ne sera jamais entendue par le système judiciaire. Alors, la guerre est la seule solution pour aller vers la paix ! Et c’est cela qui nous donne de l’espoir !
Solidarité !
On voit plus clair dans le noir
Fermer les centrales nucléaires, délester le capitalisme et l’Etat
Deux choses importantes
Deux choses auront au moins été tirées au clair par l’acte de sabotage d’une turbine électrique à la centrale nucléaire de Doel en août 2014. Deux choses importantes, et qu’on n’a pourtant lu nulle part.
Primo. Que si le nucléaire représente une contamination durable et difficilement résoluble, il est quand-même déjà possible de mettre à l’arrêt la production énergétique de ces centrales de mort. La lutte contre le nucléaire n’est pas seulement une lutte contre le fait qu’il soit à l’origine de catastrophes et d’irradiations permanentes, de l’empoisonnement durable de l’environnement, mais aussi contre le fait que l’existence même du nucléaire hypothèque toute perspective de liberté et d’auto-organisation, parce que son entretien et sa gestion impliquent forcément une structure autoritaire et verticale, une structure militarisée.
Secundo. Que le système économique et étatique en vigueur est totalement dépendant d’un flux constant d’électricité, sous peine de paralysie. Usines, commissariats, ministères, transports, administrations : toutes les structures fondamentales de l’oppression étatique et de l’exploitation capitaliste ont en commun leur dépendance à l’énergie. Et quand les choses sont à l’arrêt, quelque chose d’autre peut enfin commencer à bouger.
Contre le nucléaire
Les gestionnaires de l’existant jouent avec la peur des conséquences imprévisibles d’une catastrophe nucléaire depuis la construction des toutes premières centrales. Ceux qui habitent autour de ces centrales (et en Europe, c’est en réalité tout le monde) sont dépendants de ses constructeurs pour se protéger contre le déchaînement d’une telle catastrophe technologique. En effet, face à elle, face aux radiations, face aux « fuites », ce sont encore ces mêmes nucléocrates qui ont rendu la catastrophe possible qui déboulent pour « gérer » la situation : plans d’évacuations, soi-disant décontamination, traitement de la centrale à l’arrêt,… Ces spécialistes et leur structure de commandement fort hiérarchisée deviennent alors incontournables. De plus, toute centrale nucléaire produit également des tonnes de déchets radioactifs que ces spécialistes enfouissent tranquillement sous terre en espérant que tout ira bien. Leur radioactivité est désormais partout (à cause des déchets, des radiations, des « petites » sources comme les laboratoires, les hôpitaux, les usines, les bombes à uranium appauvri…), produisant leucémies et cancers, modifiant les structures génétiques des plantes et des êtres vivants, contaminant la planète de façon irréversible.
Se demander pourquoi le nucléaire existe, c’est comprendre les raisons pour s’y opposer fermement. Les centrales nucléaires produisent l’énergie nécessaire aux technologies du capitalisme. Les centrales produisent l’énergie qui détermine les stratégies géopolitiques (comme le font aussi le pétrole et le gaz), modelant ainsi la concurrence et la collaboration entre Etats. Elles produisent la dépendance des gens envers leurs oppresseurs. Elles produisent la soumission aux hiérarchies qui gèrent et maintiennent ce monde. Elles produisent la paix sociale.
Le nucléaire doit donc être arrêté, dans les centrales comme dans la recherche, dans ses applications militaires comme dans ses applications civiles, c’est un pas nécessaire sur le chemin vers la liberté.
Peur
Depuis le sabotage contre la centrale de Doel, les politiciens ont beaucoup évoqué la menace d’un black-out, d’une panne d’électricité généralisée. A entendre leurs paroles, on se croirait à l’aube d’une apocalypse cauchemardesque. Les appels à une « consommation responsable » fusent, mais aussi à préserver le calme et l’ordre. Afin de faire face à une potentielle pénurie, l’Etat a lancé un plan de délestage qui consiste à couper l’électricité aux gens plutôt qu’aux bureaux, usines, commissariats, ministères. L’économie et la sécurité avant tout, il n’y a pas de surprise là-dedans.
Si les politiciens parlent d’un black-out, ils cherchent sans doute à faire peur à la population afin d’obtenir sa soumission. Evoquer une pénurie électrique, c’est effectuer un travail de préparation mentale pour la construction de, par exemple, une nouvelle centrale nucléaire. Jamais n’est posée la question de pourquoi toute cette production d’énergie serait nécessaire. Pourtant, la voracité moderne du capital pourrait peut-être bien être mesurée à travers sa consommation énergétique. Pour ne donner qu’un simple exemple : amener les riches, les eurocrates et les managers en 1h20 avec un Thalys de Bruxelles jusqu'à Paris nécessite une énergie électrique équivalente à ce que cinq ménages bruxellois consomment en moyenne en une année !
Alors, vaincre la peur que le pouvoir cherche à distiller à propos d'un éventuel black-out ne signifie pas pour autant vouloir court-circuiter les hôpitaux et les maisons de repos comme voudrait nous le faire croire l’Etat. L’Etat désigne toute critique, toute action de sabotage contre la dépendance électrique, comme du « terrorisme », tandis que c’est lui qui sème la peur, qui brandit le spectre de la terreur que représentera une belle coupure dans la normalité, qui bombarde et pille des régions entières pour s’assurer l’accès au pétrole, au gaz, aux matières premières.
Il nous faut percer les mensonges de l’Etat. Il dit que nous sommes tous dans le même bateau et qu’il faut alors tous faire des efforts en prendre soin. Mais ce n’est pas comme cela. Nous nous trouvons sur son bateau contre notre gré, ou en tout cas, sans jamais l'avoir vraiment choisi. Enchaînés comme les esclaves des galères d’antan afin de faire fonctionner la machine. Aliénés de la vraie vie, car vu qu'on naît et qu'on meurt dans la coque du bateau, la coque du travail, de l'obéissance, de la consommation, nos yeux n’ont jamais pu scruter l’horizon ou le ciel. Alors, si le pouvoir dit qu’il est terroriste de vouloir faire couler le bateau, c'est parce qu'il veut justement conserver son pouvoir sur les esclaves enchaînés. Alors, c'est à toi de choisir entre rester enchaîné toute une vie ou te libérer en prenant aussi le risque de devoir nager par toi-même ; à toi de choisir entre la soumission et la révolte, entre l’obéissance et la dignité.
Sabotage et paralysie de l’économie
Qu’est-ce que le capitalisme ? La question est complexe et peut être abordée de mille façons différentes, dont nous distinguerons ici trois aspects fondamentaux.
D'abord, il y a le mode capitaliste de production, la production de marchandises. La production est réalisée à travers des structures (l’usine, l’atelier, les machines,…) et de la main d’œuvre (les ouvriers, employés, salariés,…). Le capitaliste génère du profit en investissant dans les structures et en exploitant la main d’œuvre (c’est-à-dire, en les payant moins que ce qu’ils produisent réellement en termes de valeur capitaliste). La chose importante ici, c’est que la production est donc dépendante de l’obéissance de la main d’œuvre, car si cette dernière ne veut pas travailler, la machine ne tourne pas ; et que cette production est aussi dépendante des structures, car une usine dynamitée ne peut rien produire non plus.
Ensuite, il y a le mode capitaliste d’échange, c’est-à-dire la consommation, le commerce, la circulation des marchandises. Pour cela, le capital doit générer des marchés pour écouler les produits, donc créer des besoins ; il doit faire circuler l’argent à travers les banques, les bourses, les investissements, car un euro investi ici ne génère pas le même rendement qu’un euro investi là-bas ; et surtout, ce qui nous intéresse ici plus particulièrement, il a besoin d’infrastructures pour réaliser cette circulation. Des chemins-de-fer et des ports pour acheminer les marchandises, des réseaux de communication pour organiser l’échange et la circulation, des réseaux électriques pour faire tourner tout cela. Le capitalisme est donc dépendant de flux constants, autant matériels (marchandises, main d’œuvre, matières premières, énergie) qu’immatériels (informations, données, résultats de recherche,…).
Enfin, il y a la reproduction du rapport social capitaliste, et c’est peut-être le cœur de toute la question. Les rapports sociaux déterminent la place et le comportement de chacun dans cette société : du riche comme du pauvre, du capitaliste comme du salarié, du policier comme du prisonnier. Mais ces rapports ne sont pas « idéologiques », ils se réalisent dans un espace concret. Le pauvre a sa place dans une cage à poules, le riche dans sa villa. La prison, avec ses cellules, ses murs et ses barbelés, enferme des individus et crée ainsi les rôles de prisonnier et de gardien. Cette reproduction du rapport social coïncide aujourd’hui presque entièrement avec la continuité de la normalité ; en d’autres mots, tant que le train-train quotidien continue chaque jour d'avancer à l'identique, le pouvoir n’a pas à craindre que nous remettions en en question les rôles qu’il nous impose. Et ce train-train quotidien peut être saboté. Il peut être court-circuité.
Si l'ensemble du contrôle, de l’exploitation, de l’oppression dépendent fortement de l’énergie, il est logique que toutes ces petites infrastructures réparties à travers le territoire sautent aux yeux des révoltés : boîtiers électriques, câbles souterrains, transformateurs, câbles de fibres optiques, relais de téléphones portables,… Ces structures sont si nombreuses et disséminées que le pouvoir ne pourra jamais toutes les protéger efficacement contre des gestes de révolte, contre des sabotages diffus et répétés.
Si la pratique du sabotage ne peut en soi pas transformer le rapport social capitaliste et autoritaire, il est par contre certain que tant que la machine continuera de tourner, on ne pourra espérer aucune remise en question de l'existant. L’omniprésence de la domination exige une première rupture dans le cours normal des choses, car c'est uniquement grâce à cette rupture-là qu'on peut espérer avoir un moment à nous, un moment pour réfléchir où nous en-sommes, et pour imaginer un autre monde. C’est étrange, mais quelque part, on a comme l’intuition qu’on y verra plus clair dans le noir...
Deux choses importantes
Deux choses auront au moins été tirées au clair par l’acte de sabotage d’une turbine électrique à la centrale nucléaire de Doel en août 2014. Deux choses importantes, et qu’on n’a pourtant lu nulle part.
Primo. Que si le nucléaire représente une contamination durable et difficilement résoluble, il est quand-même déjà possible de mettre à l’arrêt la production énergétique de ces centrales de mort. La lutte contre le nucléaire n’est pas seulement une lutte contre le fait qu’il soit à l’origine de catastrophes et d’irradiations permanentes, de l’empoisonnement durable de l’environnement, mais aussi contre le fait que l’existence même du nucléaire hypothèque toute perspective de liberté et d’auto-organisation, parce que son entretien et sa gestion impliquent forcément une structure autoritaire et verticale, une structure militarisée.
Secundo. Que le système économique et étatique en vigueur est totalement dépendant d’un flux constant d’électricité, sous peine de paralysie. Usines, commissariats, ministères, transports, administrations : toutes les structures fondamentales de l’oppression étatique et de l’exploitation capitaliste ont en commun leur dépendance à l’énergie. Et quand les choses sont à l’arrêt, quelque chose d’autre peut enfin commencer à bouger.
Contre le nucléaire
Les gestionnaires de l’existant jouent avec la peur des conséquences imprévisibles d’une catastrophe nucléaire depuis la construction des toutes premières centrales. Ceux qui habitent autour de ces centrales (et en Europe, c’est en réalité tout le monde) sont dépendants de ses constructeurs pour se protéger contre le déchaînement d’une telle catastrophe technologique. En effet, face à elle, face aux radiations, face aux « fuites », ce sont encore ces mêmes nucléocrates qui ont rendu la catastrophe possible qui déboulent pour « gérer » la situation : plans d’évacuations, soi-disant décontamination, traitement de la centrale à l’arrêt,… Ces spécialistes et leur structure de commandement fort hiérarchisée deviennent alors incontournables. De plus, toute centrale nucléaire produit également des tonnes de déchets radioactifs que ces spécialistes enfouissent tranquillement sous terre en espérant que tout ira bien. Leur radioactivité est désormais partout (à cause des déchets, des radiations, des « petites » sources comme les laboratoires, les hôpitaux, les usines, les bombes à uranium appauvri…), produisant leucémies et cancers, modifiant les structures génétiques des plantes et des êtres vivants, contaminant la planète de façon irréversible.
Se demander pourquoi le nucléaire existe, c’est comprendre les raisons pour s’y opposer fermement. Les centrales nucléaires produisent l’énergie nécessaire aux technologies du capitalisme. Les centrales produisent l’énergie qui détermine les stratégies géopolitiques (comme le font aussi le pétrole et le gaz), modelant ainsi la concurrence et la collaboration entre Etats. Elles produisent la dépendance des gens envers leurs oppresseurs. Elles produisent la soumission aux hiérarchies qui gèrent et maintiennent ce monde. Elles produisent la paix sociale.
Le nucléaire doit donc être arrêté, dans les centrales comme dans la recherche, dans ses applications militaires comme dans ses applications civiles, c’est un pas nécessaire sur le chemin vers la liberté.
Peur
Depuis le sabotage contre la centrale de Doel, les politiciens ont beaucoup évoqué la menace d’un black-out, d’une panne d’électricité généralisée. A entendre leurs paroles, on se croirait à l’aube d’une apocalypse cauchemardesque. Les appels à une « consommation responsable » fusent, mais aussi à préserver le calme et l’ordre. Afin de faire face à une potentielle pénurie, l’Etat a lancé un plan de délestage qui consiste à couper l’électricité aux gens plutôt qu’aux bureaux, usines, commissariats, ministères. L’économie et la sécurité avant tout, il n’y a pas de surprise là-dedans.
Si les politiciens parlent d’un black-out, ils cherchent sans doute à faire peur à la population afin d’obtenir sa soumission. Evoquer une pénurie électrique, c’est effectuer un travail de préparation mentale pour la construction de, par exemple, une nouvelle centrale nucléaire. Jamais n’est posée la question de pourquoi toute cette production d’énergie serait nécessaire. Pourtant, la voracité moderne du capital pourrait peut-être bien être mesurée à travers sa consommation énergétique. Pour ne donner qu’un simple exemple : amener les riches, les eurocrates et les managers en 1h20 avec un Thalys de Bruxelles jusqu'à Paris nécessite une énergie électrique équivalente à ce que cinq ménages bruxellois consomment en moyenne en une année !
Alors, vaincre la peur que le pouvoir cherche à distiller à propos d'un éventuel black-out ne signifie pas pour autant vouloir court-circuiter les hôpitaux et les maisons de repos comme voudrait nous le faire croire l’Etat. L’Etat désigne toute critique, toute action de sabotage contre la dépendance électrique, comme du « terrorisme », tandis que c’est lui qui sème la peur, qui brandit le spectre de la terreur que représentera une belle coupure dans la normalité, qui bombarde et pille des régions entières pour s’assurer l’accès au pétrole, au gaz, aux matières premières.
Il nous faut percer les mensonges de l’Etat. Il dit que nous sommes tous dans le même bateau et qu’il faut alors tous faire des efforts en prendre soin. Mais ce n’est pas comme cela. Nous nous trouvons sur son bateau contre notre gré, ou en tout cas, sans jamais l'avoir vraiment choisi. Enchaînés comme les esclaves des galères d’antan afin de faire fonctionner la machine. Aliénés de la vraie vie, car vu qu'on naît et qu'on meurt dans la coque du bateau, la coque du travail, de l'obéissance, de la consommation, nos yeux n’ont jamais pu scruter l’horizon ou le ciel. Alors, si le pouvoir dit qu’il est terroriste de vouloir faire couler le bateau, c'est parce qu'il veut justement conserver son pouvoir sur les esclaves enchaînés. Alors, c'est à toi de choisir entre rester enchaîné toute une vie ou te libérer en prenant aussi le risque de devoir nager par toi-même ; à toi de choisir entre la soumission et la révolte, entre l’obéissance et la dignité.
Sabotage et paralysie de l’économie
Qu’est-ce que le capitalisme ? La question est complexe et peut être abordée de mille façons différentes, dont nous distinguerons ici trois aspects fondamentaux.
D'abord, il y a le mode capitaliste de production, la production de marchandises. La production est réalisée à travers des structures (l’usine, l’atelier, les machines,…) et de la main d’œuvre (les ouvriers, employés, salariés,…). Le capitaliste génère du profit en investissant dans les structures et en exploitant la main d’œuvre (c’est-à-dire, en les payant moins que ce qu’ils produisent réellement en termes de valeur capitaliste). La chose importante ici, c’est que la production est donc dépendante de l’obéissance de la main d’œuvre, car si cette dernière ne veut pas travailler, la machine ne tourne pas ; et que cette production est aussi dépendante des structures, car une usine dynamitée ne peut rien produire non plus.
Ensuite, il y a le mode capitaliste d’échange, c’est-à-dire la consommation, le commerce, la circulation des marchandises. Pour cela, le capital doit générer des marchés pour écouler les produits, donc créer des besoins ; il doit faire circuler l’argent à travers les banques, les bourses, les investissements, car un euro investi ici ne génère pas le même rendement qu’un euro investi là-bas ; et surtout, ce qui nous intéresse ici plus particulièrement, il a besoin d’infrastructures pour réaliser cette circulation. Des chemins-de-fer et des ports pour acheminer les marchandises, des réseaux de communication pour organiser l’échange et la circulation, des réseaux électriques pour faire tourner tout cela. Le capitalisme est donc dépendant de flux constants, autant matériels (marchandises, main d’œuvre, matières premières, énergie) qu’immatériels (informations, données, résultats de recherche,…).
Enfin, il y a la reproduction du rapport social capitaliste, et c’est peut-être le cœur de toute la question. Les rapports sociaux déterminent la place et le comportement de chacun dans cette société : du riche comme du pauvre, du capitaliste comme du salarié, du policier comme du prisonnier. Mais ces rapports ne sont pas « idéologiques », ils se réalisent dans un espace concret. Le pauvre a sa place dans une cage à poules, le riche dans sa villa. La prison, avec ses cellules, ses murs et ses barbelés, enferme des individus et crée ainsi les rôles de prisonnier et de gardien. Cette reproduction du rapport social coïncide aujourd’hui presque entièrement avec la continuité de la normalité ; en d’autres mots, tant que le train-train quotidien continue chaque jour d'avancer à l'identique, le pouvoir n’a pas à craindre que nous remettions en en question les rôles qu’il nous impose. Et ce train-train quotidien peut être saboté. Il peut être court-circuité.
Si l'ensemble du contrôle, de l’exploitation, de l’oppression dépendent fortement de l’énergie, il est logique que toutes ces petites infrastructures réparties à travers le territoire sautent aux yeux des révoltés : boîtiers électriques, câbles souterrains, transformateurs, câbles de fibres optiques, relais de téléphones portables,… Ces structures sont si nombreuses et disséminées que le pouvoir ne pourra jamais toutes les protéger efficacement contre des gestes de révolte, contre des sabotages diffus et répétés.
Si la pratique du sabotage ne peut en soi pas transformer le rapport social capitaliste et autoritaire, il est par contre certain que tant que la machine continuera de tourner, on ne pourra espérer aucune remise en question de l'existant. L’omniprésence de la domination exige une première rupture dans le cours normal des choses, car c'est uniquement grâce à cette rupture-là qu'on peut espérer avoir un moment à nous, un moment pour réfléchir où nous en-sommes, et pour imaginer un autre monde. C’est étrange, mais quelque part, on a comme l’intuition qu’on y verra plus clair dans le noir...
« La Grande Coupure » du 15 janvier 1944
Nous sommes au soir du 15 janvier 1944. L’activité fébrile des groupes de partisans contre l’occupation nazie présente de nombreuses facettes, qui vont de la propagande clandestine jusqu'à l’exécution de responsables de la répression nazie. Le « Groupe G », un groupe de résistants issu des milieux universitaires libres de Bruxelles, se caractérise par son choix de lutter principalement à travers la méthode du sabotage de l’économie. Ils aident ainsi des ouvriers à saboter les usines de l’intérieur, fournissant connaissances et matériel, mais mettent aussi sur pied des groupes de saboteurs qui vont surtout s’attaquer aux transports (de produits via les routes, les canaux et les chemins-de-fer, d’informations via le réseau de téléphone et de radio, et d’énergie via le réseau électrique et les dépôts de pétrole), et aux points vulnérables de l’industrie.
Ce soir-là, entre 20 et 23 heures, les saboteurs du Groupe G font sauter les pylônes du Borinage. Tout de suite, la coupure remonte vers La Louvière, Court-Saint-Étienne, Charleroi, Namur, puis bifurque vers la région liégeoise vers Bressoux et Visé, tout en rayonnant en direction d’Alost, Termonde, Malines, Courtrai.
La démolition à l'explosif de 28 pylônes à haute-tension a pour effet de priver d'énergie et de façon durable de nombreuses usines à travers tout le pays, et jusque dans le bassin rhénan. Un grand nombre d’entreprises travaillant pour l’effort de guerre allemand sont immédiatement mises à l’arrêt. Il se dit que cela a été la plus grande opération de sabotage coordonnée d’un réseau électrique de toute la Deuxième Guerre Mondiale.
Le sabotage sera toujours l'arme de ceux qui veulent en finir avec l’oppression, qu’elle se nomme nazie, capitaliste ou étatique.
Ce soir-là, entre 20 et 23 heures, les saboteurs du Groupe G font sauter les pylônes du Borinage. Tout de suite, la coupure remonte vers La Louvière, Court-Saint-Étienne, Charleroi, Namur, puis bifurque vers la région liégeoise vers Bressoux et Visé, tout en rayonnant en direction d’Alost, Termonde, Malines, Courtrai.
La démolition à l'explosif de 28 pylônes à haute-tension a pour effet de priver d'énergie et de façon durable de nombreuses usines à travers tout le pays, et jusque dans le bassin rhénan. Un grand nombre d’entreprises travaillant pour l’effort de guerre allemand sont immédiatement mises à l’arrêt. Il se dit que cela a été la plus grande opération de sabotage coordonnée d’un réseau électrique de toute la Deuxième Guerre Mondiale.
Le sabotage sera toujours l'arme de ceux qui veulent en finir avec l’oppression, qu’elle se nomme nazie, capitaliste ou étatique.
Sabotages contre le nucléaire et son monde
Si la lutte contre le nucléaire et son monde n’a plus la même force que dans les années 60 et 70, on note pourtant dans plusieurs régions qu’il y a des luttes en cours contre des matérialisations du monde irradié. On pense notamment à la résistance aux transports de déchets nucléaires en Allemagne et en France, à la lutte contre la construction de nouvelles lignes à haute-tension en Normandie (France) et en Catalogne (Espagne). Si ces luttes vont souvent de pair avec des actions directes et des sabotages, le nucléaire n’est pas non plus toujours laissé en paix ailleurs. Nous en avons répertorié quelques exemples récents.
Catalogne (Espagne), juillet 2014. Dans une lettre, des opposants à la ligne à haute-tension MAT, qui reliera les centrales nucléaires françaises avec le marché énergétique d'Espagne et du Maghreb, rendent public de nombreuses actions diffuses et variées qui ont eu lieu pour saboter les travaux en cours. Destruction et sabotage de grues, de bulldozers, d'excavatrices et de véhicules tout-terrain des entreprises qui effectuent les travaux, blocage des routes menant aux chantiers, déboulonnage des pylônes en construction,…
Bessines-sur-Gartempe (France), avril 2014. Le musée de la Mine, propriété d’AREVA, multinationale française du secteur nucléaire, est touché par un incendie nocturne. Ce musée a précisément été installé là où l’AREVA a exploité pendant des décennies une mine d’uranium. L’action intervient aussi après une énième découverte d’irradiation dans la région. Déjà un an auparavant, le 12 juillet 2013, jour de l’ouverture au public du musée de la Mine, un train habituellement utilisé pour le transport de conteneurs d’uranium appauvri destinés à être stockés à Bessines avait déraillé à Fromental, une commune située à proximité. Une éclisse, pièce métallique reliant deux rails, avait été délibérément enlevée, et le sabotage revendiqué par des antinucléaires.
Contentin-Maine (France), décembre 2013. Des sabotages de pylônes en construction sont revendiqués : « Electricité de France (EDF) érige une nouvelle ligne THT (Cotentin-Maine) en vue d’écouler l’énergie du futur réacteur « EPR » de Flammanville. Ceci marque la poursuite du programme nucléaire français. Nous nous y opposons, agissons et le sabotons en son point faible, son réseau de distribution. Il y a quelques jours, plusieurs pylônes de la ligne ont été déboulonnés. Tant que le nucléaire s’étendra, nous saboterons. »
Saint-Mihiel (France), octobre 2012. Trois portes d’un barrage de régulation de la Meuse ont été sabotées. 40.000 m3 d’eau se sont vidés, laissant deux bateaux de plaisance sur le flanc et faisant une vague de deux mètres de haut. Le ou les saboteurs ont dévissé les flexibles d’huile des énormes vérins hydrauliques qui commandent deux des trois portes du barrage. Après réparation, le niveau d'eau est revenu à la normale. La Meuse est particulièrement surveillée parce que ses eaux en aval servent notamment au refroidissement de la centrale nucléaire de Chooz, dans les Ardennes, qui doit être stoppée dès que le débit n’est plus assez important.
Catalogne (Espagne), juillet 2014. Dans une lettre, des opposants à la ligne à haute-tension MAT, qui reliera les centrales nucléaires françaises avec le marché énergétique d'Espagne et du Maghreb, rendent public de nombreuses actions diffuses et variées qui ont eu lieu pour saboter les travaux en cours. Destruction et sabotage de grues, de bulldozers, d'excavatrices et de véhicules tout-terrain des entreprises qui effectuent les travaux, blocage des routes menant aux chantiers, déboulonnage des pylônes en construction,…
Bessines-sur-Gartempe (France), avril 2014. Le musée de la Mine, propriété d’AREVA, multinationale française du secteur nucléaire, est touché par un incendie nocturne. Ce musée a précisément été installé là où l’AREVA a exploité pendant des décennies une mine d’uranium. L’action intervient aussi après une énième découverte d’irradiation dans la région. Déjà un an auparavant, le 12 juillet 2013, jour de l’ouverture au public du musée de la Mine, un train habituellement utilisé pour le transport de conteneurs d’uranium appauvri destinés à être stockés à Bessines avait déraillé à Fromental, une commune située à proximité. Une éclisse, pièce métallique reliant deux rails, avait été délibérément enlevée, et le sabotage revendiqué par des antinucléaires.
Contentin-Maine (France), décembre 2013. Des sabotages de pylônes en construction sont revendiqués : « Electricité de France (EDF) érige une nouvelle ligne THT (Cotentin-Maine) en vue d’écouler l’énergie du futur réacteur « EPR » de Flammanville. Ceci marque la poursuite du programme nucléaire français. Nous nous y opposons, agissons et le sabotons en son point faible, son réseau de distribution. Il y a quelques jours, plusieurs pylônes de la ligne ont été déboulonnés. Tant que le nucléaire s’étendra, nous saboterons. »
Saint-Mihiel (France), octobre 2012. Trois portes d’un barrage de régulation de la Meuse ont été sabotées. 40.000 m3 d’eau se sont vidés, laissant deux bateaux de plaisance sur le flanc et faisant une vague de deux mètres de haut. Le ou les saboteurs ont dévissé les flexibles d’huile des énormes vérins hydrauliques qui commandent deux des trois portes du barrage. Après réparation, le niveau d'eau est revenu à la normale. La Meuse est particulièrement surveillée parce que ses eaux en aval servent notamment au refroidissement de la centrale nucléaire de Chooz, dans les Ardennes, qui doit être stoppée dès que le débit n’est plus assez important.
L’intifada de Deir Al-Zour contre l’Etat Islamique
Contre le régime, contre les réactionnaires, pour la révolution sociale
La révolution syrienne pour la liberté et la dignité ne se bat aujourd’hui pas seulement contre le régime sanguinaire de Bashar Al Assad, mais aussi contre d’autres forces liberticides comme les djihadistes, et en particulier ceux de l’Etat Islamique, qui essayent d’imposer leur vision réactionnaire à la population. L’Etat Islamique, connu localement sous le nom de « Daech » (ex-Isis), s’est spectaculairement renforcé ces derniers mois, surtout après leur invasion de l’Irak. Cela les a amené à reconstituer un « Califat »1 dans le nord de la Syrie et dans le nord et l’est de l’Irak. Partout où ils apparaissent, les Daech imposent leur loi, commettent des massacres sectaires et d’autres atrocités, emprisonnent et assassinent des révolutionnaires. Il est aussi important à souligner que les Daech ont peu combattu au front contre le régime d’Assad, préférant s’imposer dans les territoires libérés. Ce n’est d’ailleurs certainement pas un hasard si les positions de Daech ont été peu bombardées par le régime syrien, Assad ayant clairement fait le choix d'alimenter un conflit sectaire afin de pouvoir mieux continuer de régner. Pourtant, la résistance et la lutte contre Daech n’ont pas été des moindres. Dans beaucoup de villes, il y a eu des manifestations et des affrontements, des « vendredis de rage contre Assad et Isis » ; beaucoup de milices anti-régime se battent aujourd’hui également contre les Daech. Mais ici, nous voulons à présent raconter ce qui s’est passé dans la province orientale de Deir Al Zour, près de la frontière irakienne. Là-bas, la population locale elle-même a déclenché une insurrection contre les Daech.
Début juillet, lorsque les rivaux islamistes Jabhat al Nousra et Ahrar Al Sham se retirent de Deir Al Zour, la région est aussitôt occupée par les Daech. Autour de la ville, des combats féroces avaient lieu depuis des mois entre des brigades révolutionnaires, les forces islamistes et le régime de Bashar. A la fin, lorsque les bataillons de l’Armée Syrienne Libre ont dû se retirer par manque d’armes et de provisions, c'est l’Etat Islamique qui s’est jeté dans la brèche…
Rapidement, dans toute la région de Deir Al Zour, des manifestations ont été organisées contre l’Etat Islamique. En même temps, de petits groupes d’action partisane connus sous le nom de Kufn Al Abiyyad (« Le Linceul Blanc ») se sont créés pour assassiner des militants de Daech et lancer des attaques contre leurs positions. Ces groupes disposent d’une autonomie maximale d’action et ne se connaissent même pas forcément entre eux. Ils représentent une autre méthode de lutte pour combattre les Daech et le régime : plutôt que des grandes milices qui libèrent et défendent des zones, il s’agit ici de petits noyaux de partisans qui frappent l’ennemi partout où il se trouve. Leurs actions ont jusqu’ici surtout été l’élimination physique de leaders et de militants de Daech, des attaques à la bombe contre leurs bases, des guets-apens contre leurs convois et des jets de grenades contre des rassemblements de Daech. Plutôt que d’actions complexes, il s’agit d’une diffusion assez importante de petites attaques contre les hommes et les structures de la répression islamiste. Dans un de ses communiqués, Kufn Al Abiyyad s’adresse à l’Etat Islamique dans les termes suivants : « Cassez-vous de notre région. Il n’y a pas de place pour vous parmi le peuple syrien qui s’est insurgé contre l’injustice, et pas pour remplacer un règne tyrannique par un nouvel oppresseur. »
Dès le 30 juin, la résistance contre Daech s’est intensifiée après l’arrestation de trois personnes de la tribu de Shoueitat. Les villageois ont alors pris les quelques armes qu’ils avaient encore et ont lancé un appel à l’insurrection contre Daech dans tous les villages et bourgades alentours. Les affrontements on été très durs, mais ce mouvement a réussi à libérer les villages de Abu Hamam, Kishkiyeh et Granij. Dans de nombreuses localités, les bureaux et les postes de Daech ont été incendiés. La résistance des Shoueitat a inspiré d’autres villages à s’insurger, comme à Mayadin, Souwaydan et Albukamal. Le 4 août, les Daech ont repris les zones libérées. Ces guérillas autonomes se sont alors retirées vers Qalamoun, où elles ont formé de nouveaux bataillons sous le nom de Usud al Sharquia (« Les Lions de l’Est »), avec comme but spécifique de combattre l’Etat Islamique et d’ainsi continuer la révolution syrienne. L’insurrection a aussi eu des échos en Irak, dans la province d’Anbar, où dans quelques bourgs et villages, la population locale aurait également chassé les Daech.
Mais vers la mi-août, les Daech ont réussi à réprimer cette intifada populaire. Comme partout, leur arrivée a été sanguinaire et atroce. Au moins 700 habitants de la région ont été décapités en guise de punition collective. Face aux cris de liberté qui gagnent les coeurs et arment les mains, la réponse ultime de tout pouvoir est toujours la répression féroce et le massacre.
Ce soulèvement nous montre que le désir de liberté qui a inspiré la révolution syrienne ne se laisse pas facilement écraser, ni par le régime, ni par d’autres forces autoritaires. Il montre aussi que mêmes dans les pires conditions, la lutte auto-organisée et autonome reste possible, la lutte révolutionnaire contre tous les autoritaires qui veulent étouffer l’élan de liberté.
Si les Etats du monde entier se disent désormais « contre » les Daech, on ne peut certainement pas oublier que ces mêmes Etats sont aussi d'énormes sources d’oppression et massacre. Le combat étatique qu'ils entendent mener contre Daech n’est évidemment qu’un prélude à l’arrivée d’un autre pouvoir encore, qui sera lui-aussi prêt à incarcérer, torturer et massacrer en masse. La lutte pour la liberté ne peut donc être qu’autant contre les Daech, le régime syrien et les forces autoritaires que contre tous les Etats du monde entier.
La révolution syrienne pour la liberté et la dignité ne se bat aujourd’hui pas seulement contre le régime sanguinaire de Bashar Al Assad, mais aussi contre d’autres forces liberticides comme les djihadistes, et en particulier ceux de l’Etat Islamique, qui essayent d’imposer leur vision réactionnaire à la population. L’Etat Islamique, connu localement sous le nom de « Daech » (ex-Isis), s’est spectaculairement renforcé ces derniers mois, surtout après leur invasion de l’Irak. Cela les a amené à reconstituer un « Califat »1 dans le nord de la Syrie et dans le nord et l’est de l’Irak. Partout où ils apparaissent, les Daech imposent leur loi, commettent des massacres sectaires et d’autres atrocités, emprisonnent et assassinent des révolutionnaires. Il est aussi important à souligner que les Daech ont peu combattu au front contre le régime d’Assad, préférant s’imposer dans les territoires libérés. Ce n’est d’ailleurs certainement pas un hasard si les positions de Daech ont été peu bombardées par le régime syrien, Assad ayant clairement fait le choix d'alimenter un conflit sectaire afin de pouvoir mieux continuer de régner. Pourtant, la résistance et la lutte contre Daech n’ont pas été des moindres. Dans beaucoup de villes, il y a eu des manifestations et des affrontements, des « vendredis de rage contre Assad et Isis » ; beaucoup de milices anti-régime se battent aujourd’hui également contre les Daech. Mais ici, nous voulons à présent raconter ce qui s’est passé dans la province orientale de Deir Al Zour, près de la frontière irakienne. Là-bas, la population locale elle-même a déclenché une insurrection contre les Daech.
Début juillet, lorsque les rivaux islamistes Jabhat al Nousra et Ahrar Al Sham se retirent de Deir Al Zour, la région est aussitôt occupée par les Daech. Autour de la ville, des combats féroces avaient lieu depuis des mois entre des brigades révolutionnaires, les forces islamistes et le régime de Bashar. A la fin, lorsque les bataillons de l’Armée Syrienne Libre ont dû se retirer par manque d’armes et de provisions, c'est l’Etat Islamique qui s’est jeté dans la brèche…
Rapidement, dans toute la région de Deir Al Zour, des manifestations ont été organisées contre l’Etat Islamique. En même temps, de petits groupes d’action partisane connus sous le nom de Kufn Al Abiyyad (« Le Linceul Blanc ») se sont créés pour assassiner des militants de Daech et lancer des attaques contre leurs positions. Ces groupes disposent d’une autonomie maximale d’action et ne se connaissent même pas forcément entre eux. Ils représentent une autre méthode de lutte pour combattre les Daech et le régime : plutôt que des grandes milices qui libèrent et défendent des zones, il s’agit ici de petits noyaux de partisans qui frappent l’ennemi partout où il se trouve. Leurs actions ont jusqu’ici surtout été l’élimination physique de leaders et de militants de Daech, des attaques à la bombe contre leurs bases, des guets-apens contre leurs convois et des jets de grenades contre des rassemblements de Daech. Plutôt que d’actions complexes, il s’agit d’une diffusion assez importante de petites attaques contre les hommes et les structures de la répression islamiste. Dans un de ses communiqués, Kufn Al Abiyyad s’adresse à l’Etat Islamique dans les termes suivants : « Cassez-vous de notre région. Il n’y a pas de place pour vous parmi le peuple syrien qui s’est insurgé contre l’injustice, et pas pour remplacer un règne tyrannique par un nouvel oppresseur. »
Dès le 30 juin, la résistance contre Daech s’est intensifiée après l’arrestation de trois personnes de la tribu de Shoueitat. Les villageois ont alors pris les quelques armes qu’ils avaient encore et ont lancé un appel à l’insurrection contre Daech dans tous les villages et bourgades alentours. Les affrontements on été très durs, mais ce mouvement a réussi à libérer les villages de Abu Hamam, Kishkiyeh et Granij. Dans de nombreuses localités, les bureaux et les postes de Daech ont été incendiés. La résistance des Shoueitat a inspiré d’autres villages à s’insurger, comme à Mayadin, Souwaydan et Albukamal. Le 4 août, les Daech ont repris les zones libérées. Ces guérillas autonomes se sont alors retirées vers Qalamoun, où elles ont formé de nouveaux bataillons sous le nom de Usud al Sharquia (« Les Lions de l’Est »), avec comme but spécifique de combattre l’Etat Islamique et d’ainsi continuer la révolution syrienne. L’insurrection a aussi eu des échos en Irak, dans la province d’Anbar, où dans quelques bourgs et villages, la population locale aurait également chassé les Daech.
Mais vers la mi-août, les Daech ont réussi à réprimer cette intifada populaire. Comme partout, leur arrivée a été sanguinaire et atroce. Au moins 700 habitants de la région ont été décapités en guise de punition collective. Face aux cris de liberté qui gagnent les coeurs et arment les mains, la réponse ultime de tout pouvoir est toujours la répression féroce et le massacre.
Ce soulèvement nous montre que le désir de liberté qui a inspiré la révolution syrienne ne se laisse pas facilement écraser, ni par le régime, ni par d’autres forces autoritaires. Il montre aussi que mêmes dans les pires conditions, la lutte auto-organisée et autonome reste possible, la lutte révolutionnaire contre tous les autoritaires qui veulent étouffer l’élan de liberté.
Si les Etats du monde entier se disent désormais « contre » les Daech, on ne peut certainement pas oublier que ces mêmes Etats sont aussi d'énormes sources d’oppression et massacre. Le combat étatique qu'ils entendent mener contre Daech n’est évidemment qu’un prélude à l’arrivée d’un autre pouvoir encore, qui sera lui-aussi prêt à incarcérer, torturer et massacrer en masse. La lutte pour la liberté ne peut donc être qu’autant contre les Daech, le régime syrien et les forces autoritaires que contre tous les Etats du monde entier.
1 Le terme « Califat » s’applique historiquement aux Etats islamiques dirigés par un leader politique et religieux suprême, le « calife » (ou « successeur » du prophète Mohammed), et où est appliquée la sharia. Le Califat abbasside (750–1258) est considéré comme l’Age d’Or islamique, son règne s’étendait de l’Iran à l’Algérie. Le « Califat » a donc une signification particulière dans le monde islamique, il s’agit bel et bien d’une référence mythifiée à un règne juste (selon la sharia) et avancé.
Notre seule ambition, c’est la liberté
Solidarité avec les combattants de la liberté
Des gens résolus peuvent faire trembler la terre, les temps qui courent en témoignent vivement. Des pouvoirs dont on pensait qu’ils allaient régner pour toujours peuvent être déstabilisés, brisés, chassés. Les soulèvements dans le monde arabe ont lancés des ondes de choc depuis la Turquie jusqu’au Brésil.
Ces soulèvements sont sans relâche frappés par une répression implacable, rentrent dans le collimateur de toute sorte de groupements avides du pouvoir, mais nous ne pouvons pas nous laisser décourager. Car entre la torture, les meurtres, les massacres, les lacrymogènes et les bombes il y a toujours des individus qui restent débout et continuent à dire ce qu’ils veulent : la liberté. Et donc, il est toujours à nous de concrétiser notre solidarité. Car celui qui sent palpiter son cœur quand le combat pour la liberté et la dignité remplit les rues, sent aussi saigner son cœur quand ce combat doit s’affronter aux blindés, à la prison, à la terreur. Il sent alors la nécessité d’agir.
Si nous parlons de solidarité, il est important d’aller à la recherche de points qui relient notre contexte avec celui d’ailleurs, à la recherche de ces endroits où le pouvoir des assassins de la liberté peut être frappé. Car aucun pouvoir n’est isolé, les accords et structures politiques et économiques dépassent les frontières. Nous pensons que chaque individu est capable de faire quelque chose contre les responsables des massacres, et cela sans donner sa volonté en pâture aux politiciens, partis ou d’autres chefs. Les réseaux des oppresseurs ne sont pas introuvables, ni intouchables.
Des gens résolus peuvent faire trembler la terre, l’action directe est leur arme.
Quelques grandes entreprises européennes d’armement : ThyssenKrupp, Siemens, Bosch, Fujitsu, BAE Systems, Serco, Thales, EADS, Finmeccanica,...
Des banques qui investissent dans la vente d’armes : Axa, ING, Fortis-BNP-Paribas, KBC, Belfius,…
Des endroits où les armes transitent : le port d’Anvers (le deuxième port de l’Europe), l’aéroport de Liège, le réseau ferroviaire,…
Des gens résolus peuvent faire trembler la terre, les temps qui courent en témoignent vivement. Des pouvoirs dont on pensait qu’ils allaient régner pour toujours peuvent être déstabilisés, brisés, chassés. Les soulèvements dans le monde arabe ont lancés des ondes de choc depuis la Turquie jusqu’au Brésil.
Ces soulèvements sont sans relâche frappés par une répression implacable, rentrent dans le collimateur de toute sorte de groupements avides du pouvoir, mais nous ne pouvons pas nous laisser décourager. Car entre la torture, les meurtres, les massacres, les lacrymogènes et les bombes il y a toujours des individus qui restent débout et continuent à dire ce qu’ils veulent : la liberté. Et donc, il est toujours à nous de concrétiser notre solidarité. Car celui qui sent palpiter son cœur quand le combat pour la liberté et la dignité remplit les rues, sent aussi saigner son cœur quand ce combat doit s’affronter aux blindés, à la prison, à la terreur. Il sent alors la nécessité d’agir.
Si nous parlons de solidarité, il est important d’aller à la recherche de points qui relient notre contexte avec celui d’ailleurs, à la recherche de ces endroits où le pouvoir des assassins de la liberté peut être frappé. Car aucun pouvoir n’est isolé, les accords et structures politiques et économiques dépassent les frontières. Nous pensons que chaque individu est capable de faire quelque chose contre les responsables des massacres, et cela sans donner sa volonté en pâture aux politiciens, partis ou d’autres chefs. Les réseaux des oppresseurs ne sont pas introuvables, ni intouchables.
Des gens résolus peuvent faire trembler la terre, l’action directe est leur arme.
Quelques grandes entreprises européennes d’armement : ThyssenKrupp, Siemens, Bosch, Fujitsu, BAE Systems, Serco, Thales, EADS, Finmeccanica,...
Des banques qui investissent dans la vente d’armes : Axa, ING, Fortis-BNP-Paribas, KBC, Belfius,…
Des endroits où les armes transitent : le port d’Anvers (le deuxième port de l’Europe), l’aéroport de Liège, le réseau ferroviaire,…
Recension : Return to Homs
Documentaire – 2013 – Talal Derki
« Homs, la ville qui était devenue la chose la plus précieuse dans ma vie. Rien ne peut compenser cette perte. Je ne veux pas lancer de jugements. Est-ce qu’on a fait la chose juste ? Je jette un dernier regard sur cet endroit, il est possible que je ne passerais plus jamais par ici. Et si je passais, je serais seul, sans mes proches aimés. Arrête ! Reste de mon côté ! Embrasse-moi à nouveau, le plus longtemps que tu peux. »
Voici un documentaire qui a la force potentielle de mettre fin à tous les bavardages. Pendant trois ans, des activistes révolutionnaires syriens ont documenté l’évolution de l’insurrection contre le régime de Bashar el Assad à travers la lutte dans les quartiers de Bayada et Khaldiya à Homs. En 2011, les premiers rassemblements apparaissent dans la rue, chantant contre le régime et s’affrontant avec les forces de l’ordre. Assez rapidement, les manifestants sont brutalement réprimés et, petit-à-petit, la révolution commence à s’armer. Et comme tout pouvoir qui se sent menacé, le régime de Bashar n’a pas reculé devant le pire massacre. La ville de Homs est bombardée, la majorité de ses habitants sont chassés et l’armée organise le siège des quartiers qui continuent la résistance.
Ce documentaire retrace alors le parcours de ceux qui défient tout et tout le monde pour conquérir la liberté. Il montre comment l’insurrection contre le pouvoir amène les révoltés à faire des choses incroyables, des choses dont aucun d’entre eux ne se pensait un jour capable. Comment les liens entre combattants deviennent soudés et forts, permettant de rester debout devant tant d’horreur, tant de sang.
Les vieux les avaient prévenus. “Vous ne connaissez pas le régime. Bashar noiera tout dans une mare de sang”. Mais les jeunes insurgés avaient déjà dépassé le point de non-retour. Une fois la liberté embrassée, reculer signifie laisser mourir l’âme. Ce “point de non-retour” est certes lié à des conditions de lutte particulières, mais les expériences des insurgés nous amènent aussi à se dire qu’à un certain moment, il faut bien se décider. Soit continuer à bavarder sur comment le monde va mal, comment rien ne change, comment on ne peut rien faire, soit se lancer sur un chemin dont personne ne connaît la fin, un chemin de révolte, de courage, de joie, mais aussi de larmes et de douleur.
Devant de telles expériences de lutte que les résistants de Homs cherchent maintenant à partager aussi à travers ce documentaire, la question qui se pose ne s’adresse pas à quelqu’un d’autre, elle s’adresse à chacun et chacune d'entre nous. Dignité et liberté ou soumission et oppression. Se battre pour vivre ou ramper pour survivre. N'essaye pas à donner une réponse vite fait à de telles questions. Elles ne sont pas simples, elles sont même douloureuses. Ce sont des questions qui impliquent tes idées et tes capacités, ton coeur et ton cerveau ; elles peuvent t’amener à renoncer à jamais, ou par contre à mettre ta vie en jeu. Pas comme le premier idiot venu, mais d’une façon profonde, réfléchie.
Que le courage et la détermination des insurgés de Homs puissent inspirer les révoltés de partout, les inspirer pour ne pas s’arrêter à mi-chemin, pour aller de l'avant afin de conquérir la liberté et la dignité.
« Homs, la ville qui était devenue la chose la plus précieuse dans ma vie. Rien ne peut compenser cette perte. Je ne veux pas lancer de jugements. Est-ce qu’on a fait la chose juste ? Je jette un dernier regard sur cet endroit, il est possible que je ne passerais plus jamais par ici. Et si je passais, je serais seul, sans mes proches aimés. Arrête ! Reste de mon côté ! Embrasse-moi à nouveau, le plus longtemps que tu peux. »
Voici un documentaire qui a la force potentielle de mettre fin à tous les bavardages. Pendant trois ans, des activistes révolutionnaires syriens ont documenté l’évolution de l’insurrection contre le régime de Bashar el Assad à travers la lutte dans les quartiers de Bayada et Khaldiya à Homs. En 2011, les premiers rassemblements apparaissent dans la rue, chantant contre le régime et s’affrontant avec les forces de l’ordre. Assez rapidement, les manifestants sont brutalement réprimés et, petit-à-petit, la révolution commence à s’armer. Et comme tout pouvoir qui se sent menacé, le régime de Bashar n’a pas reculé devant le pire massacre. La ville de Homs est bombardée, la majorité de ses habitants sont chassés et l’armée organise le siège des quartiers qui continuent la résistance.
Ce documentaire retrace alors le parcours de ceux qui défient tout et tout le monde pour conquérir la liberté. Il montre comment l’insurrection contre le pouvoir amène les révoltés à faire des choses incroyables, des choses dont aucun d’entre eux ne se pensait un jour capable. Comment les liens entre combattants deviennent soudés et forts, permettant de rester debout devant tant d’horreur, tant de sang.
Les vieux les avaient prévenus. “Vous ne connaissez pas le régime. Bashar noiera tout dans une mare de sang”. Mais les jeunes insurgés avaient déjà dépassé le point de non-retour. Une fois la liberté embrassée, reculer signifie laisser mourir l’âme. Ce “point de non-retour” est certes lié à des conditions de lutte particulières, mais les expériences des insurgés nous amènent aussi à se dire qu’à un certain moment, il faut bien se décider. Soit continuer à bavarder sur comment le monde va mal, comment rien ne change, comment on ne peut rien faire, soit se lancer sur un chemin dont personne ne connaît la fin, un chemin de révolte, de courage, de joie, mais aussi de larmes et de douleur.
Devant de telles expériences de lutte que les résistants de Homs cherchent maintenant à partager aussi à travers ce documentaire, la question qui se pose ne s’adresse pas à quelqu’un d’autre, elle s’adresse à chacun et chacune d'entre nous. Dignité et liberté ou soumission et oppression. Se battre pour vivre ou ramper pour survivre. N'essaye pas à donner une réponse vite fait à de telles questions. Elles ne sont pas simples, elles sont même douloureuses. Ce sont des questions qui impliquent tes idées et tes capacités, ton coeur et ton cerveau ; elles peuvent t’amener à renoncer à jamais, ou par contre à mettre ta vie en jeu. Pas comme le premier idiot venu, mais d’une façon profonde, réfléchie.
Que le courage et la détermination des insurgés de Homs puissent inspirer les révoltés de partout, les inspirer pour ne pas s’arrêter à mi-chemin, pour aller de l'avant afin de conquérir la liberté et la dignité.
Un cul-de-sac
Gaza est théâtre de guerre, le monde regarde
A Gaza, on compte les morts après une énième agression de l’Etat israélien. Le siège et l’asphyxie du lopin de terre qu’est la bande de Gaza sont depuis longtemps des faits accomplis. Les sanguinaires incursions militaires n’en sont que l’horrible confirmation.
L’arrogance avec laquelle l’armée israélienne effectue ses opérations sous les objectifs des caméras de l’entière presse mondiale est frappante. Mais elle ne peut surprendre que ceux qui croyaient naïvement que la politique et ses intérêts internationaux sont dirigés par des codes de conduite morale. La politique mondiale est autant pragmatique qu’elle est opportuniste.
La conclusion cynique de cette action militaire, c’est qu’il y a deux vainqueurs : le Hamas et l’Etat israélien. Le Hamas peut se vanter tout simplement parce qu’il existe tout court encore après cette énième agression d’une des plus impressionnantes puissances militaires au monde. En plus, cette puissance militaire n’a pas complètement occupé la bande de Gaza, selon Hamas sans doute aussi une conséquence de sa « résistance ». Une résistance qui a surtout consistée de lancer des roquettes en direction du territoire israélien, frappant des cibles totalement arbitraires (et frappant très grande majorité rien du tout). La position de pouvoir du Hamas n’a presque pas été atteinte, car qui d’autre pourrait prétendre de pouvoir protéger les habitants de la bande de Gaza contre l’éradication totale ?
L’Etat israélien a une fois de plus légitimé la nécessité d’une opération par l’opération même. Des dizaines de tunnels échappant à son contrôle ont été détruits, des « bases terroristes » menaçant directement sa sécurité ont été effacés de la surface de la terre. Quel citoyen obéissant pourrait alors encore contester la nécessité de cette opération ? Entretemps, la rhétorique de la guerre et la militarisation dominent la société israélienne. Les contradictions réelles dans cette société (les discriminations racistes et les conflits de classe) sont dissimulées par « la menace d’un ennemi commun ». Et plus de brutalités que l’Etat israélien commet au nom de la population israélienne, plus que cette population devienne dépendant de cet même Etat pour se protéger contre d’éventuelles tentatives de vengeance. Moins sera la résistance de la part de gens avec des passeports israéliens dans leurs poches contre la terreur de l’Etat israélien, plus que des actions de vengeance arbitraires auront des accueils favorables.
La fable de la solution de « Deux Etats »
Le drapeau palestinien peut bien être brandi partout comme symbole de résistance contre la colonisation israélienne, l’existence de l’Autorité Palestinienne a surtout été bénef pour l’Etat israélien. La bande de Gaza qui n’a officiellement plus de colonies israéliens (depuis que Sharon a obligé en 2005 tous les colons à partir de là) est sous la férule de l’armée israélienne. Dans leur survie quotidienne, ses habitants sont dépendants des jeux de pouvoirs de Hamas et de l’Etat israélien. En Cisjordanie, l’espace de mouvement est progressivement limité par l’armée israélienne (souvent aussi avec la collaboration de l’Autorité Palestinienne) et les colons. La survie économique est en grande partie dépendante du « pays voisin ». L’armée israélienne a carte blanche pour « protéger la sécurité et l’intégrité de son territoire et de sa population » sans devoir porter aucune responsabilité pour les habitants des territoires palestiniennes (en tout cas, par pour ceux qui ne sont pas des colons). Un Etat palestinien qui empêcherait alors les humiliations quotidiennes de ses sujets n’est qu’une illusion. En réalité, l’Autorité Palestinienne, cet embryon d’un futur Etat, contribue à l’oppression de la population, par propre initiative ou à la demande de l’Etat israélien. La solution de « Deux Etats » n’est donc pas seulement un cul-de-sac, mais est aussi à l’avantage de l’Etat israélien sans que personne ne s’en rende compte.
Et oui, en Israël il y a maintenant des voix qui plaident pour plus de pas en direction d’une reconnaissance pleine d’un Etat palestinien. Ces voix craignent une implosion de l’Autorité Palestinienne, obligeant alors l’Etat israélien à reconnaître tous les habitants des territoires palestiniens comme citoyens israéliens. Cela compliquera alors le maintien et de la légitimation du système de apartheid. Bref, une implosion de l’Autorité Palestinienne nuirait au projet sioniste d’un Israël comme « Etat juif ».
Même si un tel scénario de deux Etats se réaliserait, ce n’est donc pas du tout un pas sur le chemin vers une « société juste » pour toute la population. Sans doute, ce nouvel Etat trouvera d’autres manières pour nourrir et exploiter parmi ses propres sujets des lignes de démarcation raciste et sectaire, comme tous les autres Etats. L’occupation militaire et ses humiliations quotidiennes ne changeraient que de visage.
Deux Etats ou un seul Etat, aucune de ces perspectives sont des moyens d’émancipation pour les habitants des territoires israéliens et palestiniens.
La rhétorique vide de la Résistance
La défense de la « cause palestinienne » a souvent été instrumentalisée à des fins de politique intérieur par toute sorte de leaders de régimes « anti-impérialistes » (avec des discours pan-arabistes, socialistes voir islamistes). Si ces régimes, comme la dictature syrienne d’Assad ou le régime théocratique de l’Iran, ont donné de l’aide aux organisations palestiniennes de résistance, ce n’était pas pour soutenir la lutte pour la liberté, mais pour dominer et canaliser la révolte palestinienne qui a inspiré tant d’autres combats ailleurs, et qui risquait toujours de le faire aussi dans les régimes en question. Aujourd’hui, il est clair qu’aussi difficile que ce soit, il est absolument nécessaires de faire naître des foyers autonomes de résistance et de lutte. Des foyers qui sont indépendants des tyrans d’ailleurs, indépendants des jeux géopolitiques que les Etats du monde entier jouent sur le dos des habitants des territoires et des camps palestiniens, indépendants et auto-organisés.
Aussi en Europe occidentale, l’indignation que suscite la « cause palestinienne » a longtemps été cultivée par les partis de gauche et socialistes, l’instrumentalisant comme moyen de mobilisation et de recrutement. Aujourd’hui, s’y rajoutent les nouveaux groupements (religieux-) fascisants (qui aiment bien évoquer le vieux mythe raciste du « complot juif »). Une « solidarité » qui ne sert qu’à renforcer et/ou agrandir son propre autorité ne peut qu’être une boîte vide. Refuser de telles instrumentalisations, c’est remettre sur le premier plan le combat pour la liberté qui se déroule autant en Cisjordanie qu’en Europe, en Syrie comme en Amérique-Latine ; un combat qui s’oppose forcément à toutes les impositions, à tous les sales manœuvres politiques, à toute vision réactionnaire et conservatrice.
Car il faut le dire. Aussi dans les territoires palestiniens, de telles dynamiques existent. Le discours de la Résistance se voit transvasé des vieilles organisations politiques à la nouvelle Autorité Palestinienne pour légitimer les postes et les privilèges acquises. Entretemps, les ONG occidentaux cherchent à imposer une camisole morale à la résistance qui existe encore pour la rendre digérable pour leurs mécènes ; une camisole morale qui consiste à rejeter et à condamner les affrontements, les émeutes, les sabotages et la lutte armée
Des initiatives autonomes de résistance, donc indépendants des et hostiles envers les groupes de pouvoir existants, pourraient donner de l’oxygène à des idées libératrices et fissurer la mobilisation de guerre permanente et l’occupation militaire asphyxiante. Autant là-bas qu’ici.
[PS : C’est impossible d’analyser l’ensemble de la situation dans tous ses nuances avec ce courte texte, voir même avec un texte beaucoup plus longue. Ici, on a pris l’action militaire à Gaza comme point de départ et c’est ce fil qu’on a essayé de développer. Un autre point de départ ou une analyse plus approfondie fera sans doute surgir d’autres points.]
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Quand des conflits dans les territoires israéliens et palestiniens trouvent des échos dans les rues européennes, c’est monnaie courante que toute sorte de gardiens de l’ordre appellent à ne pas « importer » les conflits extérieurs. Entretemps et à l’abri des grands vents, l’industrie de la répression s’en fout royalement des frontières et importe ou exporte à volonté des nouvelles technologies de contrôle et des instruments de massacre.
Le projet européen d’investigation FP7 (entretemps suivi par Horizon 2020) a donné des milliards d’euros en subsides à des universités et des entreprises dans les pays de l’UE, quelques autres pays sur le continent européen et en Israël. Les plus grands producteurs d’armes en Europe ont touché de cet argent, tout comme plusieurs joueurs israéliens du marché de la mort. De l’argent a par exemple été donné à Israel Aerospace Industries (un producteur d’armes qui appartient à l’Etat israélien) pour que cette boîte adapte ses drones aux « besoins européens » : les drones pour effectuer la surveillance des frontières contre l’immigration et comme arme contre des troubles intérieurs et contre la criminalité. Elbit Systems (une entreprise israélienne qui a entre autre participé à la construction du mur) a été inclus dans un projet de recherche afin de sécuriser les aéroports européens et l’Académie israélienne de l’anti-terrorisme et de la sécurité a reçu des subsides de l’UE en échange de son aide dans les stratégies contre la radicalisation. D’autres joueurs qui ont gagnés des prix lugubres sont la branche israélienne de Motorola (qui construit des « grillages virtuelles » autour des colonies israéliennes) et l’Auronautics Defence Systems. Des universités comme le KULeuven et U-Gent ont travaillées ensemble avec des producteurs d’armes israéliens.
Pour donner un exemple concrète de la collaboration répressive entre les autorités : les caméras de vidéosurveillance qui ont été implantées partout à Bruxelles-Capitale-Ixelles ont été livrées par une entreprise israélienne. La ville de Bruxelles a signé un contrat s’engageant à fournir l’accès aux images de ces caméras à l’Etat israélien quand celui-ci le demande.
Ensuite, plus loin que les producteurs d’armes, il y a encore tant d’entreprises qui se font du fric avec la politique colonialiste de l’Etat israélien, comme Caterpillar (constructeur des bulldozers spécialement conçus pour la destruction d’immeubles dans les territoires occupés), Hewlet Packard HP (fournisseur de matériel informatique et technologique à l’occupation, équipant notamment les check-points), Ernst & Young (multinational de conseillers financiers engagé par Israël pour attirer des touristes et des investissements) ou encore l’immanquable G4S qui gère plusieurs check-points et centres de détention en Israël.
A Gaza, on compte les morts après une énième agression de l’Etat israélien. Le siège et l’asphyxie du lopin de terre qu’est la bande de Gaza sont depuis longtemps des faits accomplis. Les sanguinaires incursions militaires n’en sont que l’horrible confirmation.
L’arrogance avec laquelle l’armée israélienne effectue ses opérations sous les objectifs des caméras de l’entière presse mondiale est frappante. Mais elle ne peut surprendre que ceux qui croyaient naïvement que la politique et ses intérêts internationaux sont dirigés par des codes de conduite morale. La politique mondiale est autant pragmatique qu’elle est opportuniste.
La conclusion cynique de cette action militaire, c’est qu’il y a deux vainqueurs : le Hamas et l’Etat israélien. Le Hamas peut se vanter tout simplement parce qu’il existe tout court encore après cette énième agression d’une des plus impressionnantes puissances militaires au monde. En plus, cette puissance militaire n’a pas complètement occupé la bande de Gaza, selon Hamas sans doute aussi une conséquence de sa « résistance ». Une résistance qui a surtout consistée de lancer des roquettes en direction du territoire israélien, frappant des cibles totalement arbitraires (et frappant très grande majorité rien du tout). La position de pouvoir du Hamas n’a presque pas été atteinte, car qui d’autre pourrait prétendre de pouvoir protéger les habitants de la bande de Gaza contre l’éradication totale ?
L’Etat israélien a une fois de plus légitimé la nécessité d’une opération par l’opération même. Des dizaines de tunnels échappant à son contrôle ont été détruits, des « bases terroristes » menaçant directement sa sécurité ont été effacés de la surface de la terre. Quel citoyen obéissant pourrait alors encore contester la nécessité de cette opération ? Entretemps, la rhétorique de la guerre et la militarisation dominent la société israélienne. Les contradictions réelles dans cette société (les discriminations racistes et les conflits de classe) sont dissimulées par « la menace d’un ennemi commun ». Et plus de brutalités que l’Etat israélien commet au nom de la population israélienne, plus que cette population devienne dépendant de cet même Etat pour se protéger contre d’éventuelles tentatives de vengeance. Moins sera la résistance de la part de gens avec des passeports israéliens dans leurs poches contre la terreur de l’Etat israélien, plus que des actions de vengeance arbitraires auront des accueils favorables.
La fable de la solution de « Deux Etats »
Le drapeau palestinien peut bien être brandi partout comme symbole de résistance contre la colonisation israélienne, l’existence de l’Autorité Palestinienne a surtout été bénef pour l’Etat israélien. La bande de Gaza qui n’a officiellement plus de colonies israéliens (depuis que Sharon a obligé en 2005 tous les colons à partir de là) est sous la férule de l’armée israélienne. Dans leur survie quotidienne, ses habitants sont dépendants des jeux de pouvoirs de Hamas et de l’Etat israélien. En Cisjordanie, l’espace de mouvement est progressivement limité par l’armée israélienne (souvent aussi avec la collaboration de l’Autorité Palestinienne) et les colons. La survie économique est en grande partie dépendante du « pays voisin ». L’armée israélienne a carte blanche pour « protéger la sécurité et l’intégrité de son territoire et de sa population » sans devoir porter aucune responsabilité pour les habitants des territoires palestiniennes (en tout cas, par pour ceux qui ne sont pas des colons). Un Etat palestinien qui empêcherait alors les humiliations quotidiennes de ses sujets n’est qu’une illusion. En réalité, l’Autorité Palestinienne, cet embryon d’un futur Etat, contribue à l’oppression de la population, par propre initiative ou à la demande de l’Etat israélien. La solution de « Deux Etats » n’est donc pas seulement un cul-de-sac, mais est aussi à l’avantage de l’Etat israélien sans que personne ne s’en rende compte.
Et oui, en Israël il y a maintenant des voix qui plaident pour plus de pas en direction d’une reconnaissance pleine d’un Etat palestinien. Ces voix craignent une implosion de l’Autorité Palestinienne, obligeant alors l’Etat israélien à reconnaître tous les habitants des territoires palestiniens comme citoyens israéliens. Cela compliquera alors le maintien et de la légitimation du système de apartheid. Bref, une implosion de l’Autorité Palestinienne nuirait au projet sioniste d’un Israël comme « Etat juif ».
Même si un tel scénario de deux Etats se réaliserait, ce n’est donc pas du tout un pas sur le chemin vers une « société juste » pour toute la population. Sans doute, ce nouvel Etat trouvera d’autres manières pour nourrir et exploiter parmi ses propres sujets des lignes de démarcation raciste et sectaire, comme tous les autres Etats. L’occupation militaire et ses humiliations quotidiennes ne changeraient que de visage.
Deux Etats ou un seul Etat, aucune de ces perspectives sont des moyens d’émancipation pour les habitants des territoires israéliens et palestiniens.
La rhétorique vide de la Résistance
La défense de la « cause palestinienne » a souvent été instrumentalisée à des fins de politique intérieur par toute sorte de leaders de régimes « anti-impérialistes » (avec des discours pan-arabistes, socialistes voir islamistes). Si ces régimes, comme la dictature syrienne d’Assad ou le régime théocratique de l’Iran, ont donné de l’aide aux organisations palestiniennes de résistance, ce n’était pas pour soutenir la lutte pour la liberté, mais pour dominer et canaliser la révolte palestinienne qui a inspiré tant d’autres combats ailleurs, et qui risquait toujours de le faire aussi dans les régimes en question. Aujourd’hui, il est clair qu’aussi difficile que ce soit, il est absolument nécessaires de faire naître des foyers autonomes de résistance et de lutte. Des foyers qui sont indépendants des tyrans d’ailleurs, indépendants des jeux géopolitiques que les Etats du monde entier jouent sur le dos des habitants des territoires et des camps palestiniens, indépendants et auto-organisés.
Aussi en Europe occidentale, l’indignation que suscite la « cause palestinienne » a longtemps été cultivée par les partis de gauche et socialistes, l’instrumentalisant comme moyen de mobilisation et de recrutement. Aujourd’hui, s’y rajoutent les nouveaux groupements (religieux-) fascisants (qui aiment bien évoquer le vieux mythe raciste du « complot juif »). Une « solidarité » qui ne sert qu’à renforcer et/ou agrandir son propre autorité ne peut qu’être une boîte vide. Refuser de telles instrumentalisations, c’est remettre sur le premier plan le combat pour la liberté qui se déroule autant en Cisjordanie qu’en Europe, en Syrie comme en Amérique-Latine ; un combat qui s’oppose forcément à toutes les impositions, à tous les sales manœuvres politiques, à toute vision réactionnaire et conservatrice.
Car il faut le dire. Aussi dans les territoires palestiniens, de telles dynamiques existent. Le discours de la Résistance se voit transvasé des vieilles organisations politiques à la nouvelle Autorité Palestinienne pour légitimer les postes et les privilèges acquises. Entretemps, les ONG occidentaux cherchent à imposer une camisole morale à la résistance qui existe encore pour la rendre digérable pour leurs mécènes ; une camisole morale qui consiste à rejeter et à condamner les affrontements, les émeutes, les sabotages et la lutte armée
Des initiatives autonomes de résistance, donc indépendants des et hostiles envers les groupes de pouvoir existants, pourraient donner de l’oxygène à des idées libératrices et fissurer la mobilisation de guerre permanente et l’occupation militaire asphyxiante. Autant là-bas qu’ici.
[PS : C’est impossible d’analyser l’ensemble de la situation dans tous ses nuances avec ce courte texte, voir même avec un texte beaucoup plus longue. Ici, on a pris l’action militaire à Gaza comme point de départ et c’est ce fil qu’on a essayé de développer. Un autre point de départ ou une analyse plus approfondie fera sans doute surgir d’autres points.]
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Quand des conflits dans les territoires israéliens et palestiniens trouvent des échos dans les rues européennes, c’est monnaie courante que toute sorte de gardiens de l’ordre appellent à ne pas « importer » les conflits extérieurs. Entretemps et à l’abri des grands vents, l’industrie de la répression s’en fout royalement des frontières et importe ou exporte à volonté des nouvelles technologies de contrôle et des instruments de massacre.
Le projet européen d’investigation FP7 (entretemps suivi par Horizon 2020) a donné des milliards d’euros en subsides à des universités et des entreprises dans les pays de l’UE, quelques autres pays sur le continent européen et en Israël. Les plus grands producteurs d’armes en Europe ont touché de cet argent, tout comme plusieurs joueurs israéliens du marché de la mort. De l’argent a par exemple été donné à Israel Aerospace Industries (un producteur d’armes qui appartient à l’Etat israélien) pour que cette boîte adapte ses drones aux « besoins européens » : les drones pour effectuer la surveillance des frontières contre l’immigration et comme arme contre des troubles intérieurs et contre la criminalité. Elbit Systems (une entreprise israélienne qui a entre autre participé à la construction du mur) a été inclus dans un projet de recherche afin de sécuriser les aéroports européens et l’Académie israélienne de l’anti-terrorisme et de la sécurité a reçu des subsides de l’UE en échange de son aide dans les stratégies contre la radicalisation. D’autres joueurs qui ont gagnés des prix lugubres sont la branche israélienne de Motorola (qui construit des « grillages virtuelles » autour des colonies israéliennes) et l’Auronautics Defence Systems. Des universités comme le KULeuven et U-Gent ont travaillées ensemble avec des producteurs d’armes israéliens.
Pour donner un exemple concrète de la collaboration répressive entre les autorités : les caméras de vidéosurveillance qui ont été implantées partout à Bruxelles-Capitale-Ixelles ont été livrées par une entreprise israélienne. La ville de Bruxelles a signé un contrat s’engageant à fournir l’accès aux images de ces caméras à l’Etat israélien quand celui-ci le demande.
Ensuite, plus loin que les producteurs d’armes, il y a encore tant d’entreprises qui se font du fric avec la politique colonialiste de l’Etat israélien, comme Caterpillar (constructeur des bulldozers spécialement conçus pour la destruction d’immeubles dans les territoires occupés), Hewlet Packard HP (fournisseur de matériel informatique et technologique à l’occupation, équipant notamment les check-points), Ernst & Young (multinational de conseillers financiers engagé par Israël pour attirer des touristes et des investissements) ou encore l’immanquable G4S qui gère plusieurs check-points et centres de détention en Israël.
Ferguson. La police tue, la rue riposte.
Le 8 août, Michael Brown (« Mike Mike ») est abattu par un policier. La nouvelle de sa mort se répand dans le quartier et des gens descendent immédiatement dans la rue. Des conteneurs à ordures sont brûlés et des manifestants tirent dans l’air. L’intimidation policière – qui intervient à coups de fourgons anti-émeute, d’un hélicoptère, de chiens et de fusils – ne mène à rien et la police se voit obligée de se retirer. Quand des voitures de police tentent de passer à travers la foule, elles sont attaquées. La police se retire à nouveau, ce qui donnera lieu au premier pillage d’un magasin. Vers la fin de la soirée, plus de dix commerces subissent le même sort et le magasin QT est incendié. Dans d’autres quartiers de St Louis (dont Ferguson est une banlieue), des magasins sont attaqués, ce qui amène la police à occuper les plus importants districts commerciaux.
Le texte qui suit a été écrit après plus d’une semaine de révolte. Cela prendra l’Etat dix jours – où on voit le couvre-feu et ensuite l’état de siège avec le déploiement de la National Garde (des soldats) – avant de plus ou moins avoir prise sur la situation. Mais les manifestations et les affrontements avec la police n’ont pas cessé pour autant.
Récit d’une semaine de révolte à Ferguson
Ce qui a commencé comme un mouvement de protestation après 10 jours de mépris soutenu a fait quelques pas hésitants vers la révolte. La situation ici est encore fluide et mûre avec du potentiel. Localement, les gens sont surpris que des troubles similaires ne se soient pas déclenchés dans d’autres villes. Si elle venait à se propager, le périmètre ici s’élargirait probablement. Il est difficile de se faire une idée de la façon dont les gens ailleurs interprètent ce qui se passe ici. Ce qui suit sont quelques observations de résidents de St Louis et participants à la lutte qui pourraient donner une image plus claire de cette nouvelle réalité étrange.
Voitures, flingues et révolte en Amérique
West Florissant est la route principale qui traverse le county de St-Louis et le nord de la ville. Sur un quart de mile, cette route a été le lieu principal de rassemblement pour les révoltés. Juste à côté de là, sur un parking de centre commercial, se trouve la base logistique de la police (de la ville, du county et des dizaines de petites communes), de la Highway Patrol et de la garde nationale. Sur ce quart de mile de la route, de nombreux commerces ont été pillés et brûlés (à des degrés divers), ainsi que la chaîne de magasins QT. Cette zone là est devenue un point de repère, une destination touristique et un lieu de rassemblement pour les révoltés. Cette zone de West Florissant débouche la Canfield Drive, une route qui mène aux lotissements et immeubles d’appartements où Mike Brown a été tué. La police craint de s’aventurer trop loin dans Canfield.
Les jours où la police permet la circulation sur la route, West Florissant se remplit de véhicules, dont beaucoup sont blindés de passagers, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les activités courantes comprennent la musique à fond, les crissements de pneus, narguer la police avec des insultes (« fuck the police », « Fuck 12 »), à tourner en rond et à foncer sur eux en freinant à la dernière minute. Les gens sautent de voiture en voiture de manière festive, flirtant, chantant, buvant et fumant. Quand les rangées de police ferment la rue à chaque extrémité du secteur, les voitures affluent dans les rues latérales pour faire pareil. Et quand les manifestants deviennent assez chahuteurs, les gens vont ouvertement avec leurs voitures jusqu’aux magasins, les remplissent de biens pillés, et s’échappent à nouveau dans les quartiers.
Un nombre important de manifestants sont armés. Dans les premiers jours, une tactique commune consistait à tirer des coups de feu en l’air pour effrayer les flics quand ils s’approchaient trop. Certains parlent ouvertement d’entrer en guerre avec la police et ne cachent pas le fait qu’ils portent des armes sur eux. Ces derniers jours, des gens ont commencé à tirer sur la police. Malheureusement, les seules personnes touchées ont été jusqu’à présent une poignée de manifestants – certains d’entre eux avec des blessures très graves, voir potentiellement mortelles. Les gens commencent à plaider en faveur de plus de retenue avec les armes à feu et de mieux viser.
Les révoltés (ainsi que la police) n’ont pas d’expériences d’une telle situation. Une révolte comme celle-ci n’a pas été vue en Amérique depuis les années 70, à part peut-être la révolte de Los Angeles en 1992. Les gens apprennent à fabriquer et à utiliser des cocktails Molotov, à ériger des barricades, à lancer des projectiles et à provoquer des incendies, ainsi que quand et où ça fait du sens d’attaquer. La coordination et la communication sont difficiles en dehors des moments d’émeute. C’est peut-être parce qu’il n’y a pas d’endroit sûr et confortable pour se rassembler et échanger des idées. Le QT pourrait servir à telle fin, mais aujourd’hui il est entièrement clôturé. La deuxième nuit d’émeute a dû connaître une coordination exceptionnelle, car des groupes ont détruits des magasins partout sur la zone, remplissant en même temps leurs voitures avec toutes sortes de marchandises.
Répression, respectabilité, race, genre et écart générationnel
Les policiers se trouvent dans une impasse et voient les limites de l’utilisation de la violence. Quand ils se tiennent à distance, les révoltés font l’émeute, mais quand ils interviennent violemment, cela inspire davantage de personnes à descendre dans la rue, ce qui aggrave l’émeute. A ce stade, s’ils veulent écraser cette situation, ils devraient condamner Darren Wilson (le policier qui a tué Brown) pour homicide volontaire. Mais la machine judiciaire tourne lentement. En attendant, ils vont devoir œuvre à diviser les révoltés. Dans leur désespoir, toutes les dichotomies déjà employées dans le passé sont réutilisées – manifestant vs criminel, honnête vs opportuniste, résident vs étranger. Malheureusement, la police a une longue liste de complices prêts à faire ce travail pour eux, la plupart d’entre eux sont pleinement conscients de ce qu’ils font. Du New Black Panther Party à la Nation of Islam. De HOT 104.1 à FOX News. De MORE à OBS. De Jesse Jackson à Al Sharpton. De Nelly à Tef Poe (Po). De l’actuel maire de St Louis Slay au futur maire de St Louis French. Et la liste est longue.
Ils peuvent très bien être en train de réussir tout cela à la télé, à la radio et sur les médias sociaux, ces grands gueules n’ont pas eu autant de succès sur West Florissant (en dépit de leurs propres déclarations), et cela doit leur faire une peur bleue.
Il y a toujours bien plus de manifestants noirs que blancs sur West Florissant, mais il semble que plus que la lutte, plus que la diversité grandit. Les commentaires initiaux adressés aux manifestants blancs tels que « Pourquoi êtes-vous ici ? » ont eu la réponse « mec, elle/il déteste la police aussi ! ». Maintenant que la présence de manifestants blancs est plus visible, les commentaires sont plus du genre « merci d’être ici ». Quelques sinistres groupes démocrates et gauchistes tentent de répandre des histoires absurdes selon quoi des petits groupes d’agitateurs blancs (ou même des infiltrés du KKK !) incitent les manifestants noirs à passer à l’attaque. Les hypothèses racistes sous-jacentes sur la nature exploitable de manifestants noirs sont évidentes si on se rend compte que c’est exactement la même façon dont des groupes comme Nation of Islam et le New Black Panther Party les considèrent. De retour dans le monde réel, les manifestants blancs commencent tout juste à rattraper un peu en termes de férocité leurs camarades noirs, qui sont assez grands pour prendre des décisions eux-mêmes.
Les autorités ont commencé quelque chose de bon flic/mauvais flic en donnant le commando des opérations à Ron Johnson (un policier noir qui a grandi dans le county du Nord). En journée, lui et ses agents enlèvent leur tenue anti-émeute et marchent aux côtés des manifestants. Cette astuce a bien marché avec les leaders auto-imposés de la contestation, qui travaillent ouvertement avec Johnson pour contrôler la foule.
Il y a eu d’innombrables appels de la Nation of Islam, du New Black Panther Party, et de leurs semblables conservateurs aux femmes de rentrer à la maison et aux costauds hommes noirs à mettre un pas en avant. Et encore d’autres tentatives patriarcales ont eu lieu pour diviser les manifestants. Les premiers jours, ces appels ont été accueillis avec un très fort rejet de la plupart de femmes noires. « Vas te faire foutre, retourne à l’église ». « Je suis ici depuis le premier jour ». « Ce sont nos enfants qui sont morts ». Mais le harcèlement constant semble avoir fonctionné, puisque de moins en moins de femmes descendent encore dans la rue, surtout pendant la nuit. Mais il y a toujours des femmes dans la première ligne, narguant la police et se précipitant dans les magasins pour se servir.
Presque tous ceux qui cherchent à limiter les actions des personnes les plus conflictuelles parmi les révoltés et qui se déclarent dirigeants de la communauté ont plus de 40 ans. Mis à part le fait de physiquement empêcher des jeunes à agir, ils essaient de les ostraciser de la manifestation. Ces vieux sages peuvent se promener avec une aura d’autorité paternaliste, mais les jeunes ne sont pas dupes : « Je ne peux pas écouter ces vieilles têtes qui disent la même chose depuis des années ». « Cette marche pacifique ne fonctionne pas, sans les pillages, personne ne se serait intéressée à Mike ». Pourtant, ils disent en permanence aux garçons de grandir et d’être des hommes ; aux jeunes femmes de rentrer à la maison, parce que les rues ne seraient pas sûres pour elles.
Paix et tranquillité
Il y a quelques indications comme quoi les groupes démocrates s’en vont de la ville de Ferguson. Ils commencent à organiser des rassemblements et de la désobéissance civile à Clayton et dans le centre-ville de St Louis. Peut-être qu’ils renoncent à leur campagne visant à contrôler les éléments enragés. Peut-être qu’ils essayent de coller un visage médiatiquement plus pacifique sur le mouvement. Peut-être qu’ils essayent de nouvelles stratégies pour obtenir justice. Seul le temps nous le dira.
La situation à Ferguson est effrayante. Il est facile de comprendre pourquoi certains, en particulier de ceux qui vivent près de l’activité, veulent un retour à la normale : des balles, des gaz lacrymogènes, des canons sonores, des barrages de contrôle, du feu. Mais malgré tout cela, il y a un nombre important d’entre nous qui ne veulent pas d’un retour à la normale. Nous descendons jour et nuit sur West Florissant pour chercher à comment éviter un tel retour. Pour nous, la lutte ne se limite pas à « justice pour Mike Brown » et à la condamnation d’un seul flic pour assassinat devant les tribunaux. Nous sommes en train de faire ce que nous faisons pour nous-mêmes, pour nos amis et nos proches, ainsi que pour Mike Brown. Nous avons déjà déclaré ce système coupable – le racisme, la structure de classe, le gouvernement, la police. Lorsque la « paix » à laquelle vous êtes constamment invité à revenir ressemble à l’impuissance, l’humiliation, la pauvreté, l’ennui et la violence, ça ne devrait pas être une surprise que beaucoup de personnes choisissent de se battre. Et pour être témoin de la férocité avec laquelle certains d’entre nous se battent, c’est presque comme si nous avions attendu ce moment depuis toute notre vie. Il y a deux nuits, des gens se sont précipités au poste de commandement de la police, obligeant les autorités à faire appel à la Garde Nationale. Auparavant, cela aurait été impensable, mais il y a moins de deux semaines tout ceci aurait été inimaginable.
Et alors nous trinquons un verre de gin pillé – un TOAST ! Que chacun puisse continuer à nous surprendre.
19 Août 2014
Le texte qui suit a été écrit après plus d’une semaine de révolte. Cela prendra l’Etat dix jours – où on voit le couvre-feu et ensuite l’état de siège avec le déploiement de la National Garde (des soldats) – avant de plus ou moins avoir prise sur la situation. Mais les manifestations et les affrontements avec la police n’ont pas cessé pour autant.
Récit d’une semaine de révolte à Ferguson
Ce qui a commencé comme un mouvement de protestation après 10 jours de mépris soutenu a fait quelques pas hésitants vers la révolte. La situation ici est encore fluide et mûre avec du potentiel. Localement, les gens sont surpris que des troubles similaires ne se soient pas déclenchés dans d’autres villes. Si elle venait à se propager, le périmètre ici s’élargirait probablement. Il est difficile de se faire une idée de la façon dont les gens ailleurs interprètent ce qui se passe ici. Ce qui suit sont quelques observations de résidents de St Louis et participants à la lutte qui pourraient donner une image plus claire de cette nouvelle réalité étrange.
Voitures, flingues et révolte en Amérique
West Florissant est la route principale qui traverse le county de St-Louis et le nord de la ville. Sur un quart de mile, cette route a été le lieu principal de rassemblement pour les révoltés. Juste à côté de là, sur un parking de centre commercial, se trouve la base logistique de la police (de la ville, du county et des dizaines de petites communes), de la Highway Patrol et de la garde nationale. Sur ce quart de mile de la route, de nombreux commerces ont été pillés et brûlés (à des degrés divers), ainsi que la chaîne de magasins QT. Cette zone là est devenue un point de repère, une destination touristique et un lieu de rassemblement pour les révoltés. Cette zone de West Florissant débouche la Canfield Drive, une route qui mène aux lotissements et immeubles d’appartements où Mike Brown a été tué. La police craint de s’aventurer trop loin dans Canfield.
Les jours où la police permet la circulation sur la route, West Florissant se remplit de véhicules, dont beaucoup sont blindés de passagers, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les activités courantes comprennent la musique à fond, les crissements de pneus, narguer la police avec des insultes (« fuck the police », « Fuck 12 »), à tourner en rond et à foncer sur eux en freinant à la dernière minute. Les gens sautent de voiture en voiture de manière festive, flirtant, chantant, buvant et fumant. Quand les rangées de police ferment la rue à chaque extrémité du secteur, les voitures affluent dans les rues latérales pour faire pareil. Et quand les manifestants deviennent assez chahuteurs, les gens vont ouvertement avec leurs voitures jusqu’aux magasins, les remplissent de biens pillés, et s’échappent à nouveau dans les quartiers.
Un nombre important de manifestants sont armés. Dans les premiers jours, une tactique commune consistait à tirer des coups de feu en l’air pour effrayer les flics quand ils s’approchaient trop. Certains parlent ouvertement d’entrer en guerre avec la police et ne cachent pas le fait qu’ils portent des armes sur eux. Ces derniers jours, des gens ont commencé à tirer sur la police. Malheureusement, les seules personnes touchées ont été jusqu’à présent une poignée de manifestants – certains d’entre eux avec des blessures très graves, voir potentiellement mortelles. Les gens commencent à plaider en faveur de plus de retenue avec les armes à feu et de mieux viser.
Les révoltés (ainsi que la police) n’ont pas d’expériences d’une telle situation. Une révolte comme celle-ci n’a pas été vue en Amérique depuis les années 70, à part peut-être la révolte de Los Angeles en 1992. Les gens apprennent à fabriquer et à utiliser des cocktails Molotov, à ériger des barricades, à lancer des projectiles et à provoquer des incendies, ainsi que quand et où ça fait du sens d’attaquer. La coordination et la communication sont difficiles en dehors des moments d’émeute. C’est peut-être parce qu’il n’y a pas d’endroit sûr et confortable pour se rassembler et échanger des idées. Le QT pourrait servir à telle fin, mais aujourd’hui il est entièrement clôturé. La deuxième nuit d’émeute a dû connaître une coordination exceptionnelle, car des groupes ont détruits des magasins partout sur la zone, remplissant en même temps leurs voitures avec toutes sortes de marchandises.
Répression, respectabilité, race, genre et écart générationnel
Les policiers se trouvent dans une impasse et voient les limites de l’utilisation de la violence. Quand ils se tiennent à distance, les révoltés font l’émeute, mais quand ils interviennent violemment, cela inspire davantage de personnes à descendre dans la rue, ce qui aggrave l’émeute. A ce stade, s’ils veulent écraser cette situation, ils devraient condamner Darren Wilson (le policier qui a tué Brown) pour homicide volontaire. Mais la machine judiciaire tourne lentement. En attendant, ils vont devoir œuvre à diviser les révoltés. Dans leur désespoir, toutes les dichotomies déjà employées dans le passé sont réutilisées – manifestant vs criminel, honnête vs opportuniste, résident vs étranger. Malheureusement, la police a une longue liste de complices prêts à faire ce travail pour eux, la plupart d’entre eux sont pleinement conscients de ce qu’ils font. Du New Black Panther Party à la Nation of Islam. De HOT 104.1 à FOX News. De MORE à OBS. De Jesse Jackson à Al Sharpton. De Nelly à Tef Poe (Po). De l’actuel maire de St Louis Slay au futur maire de St Louis French. Et la liste est longue.
Ils peuvent très bien être en train de réussir tout cela à la télé, à la radio et sur les médias sociaux, ces grands gueules n’ont pas eu autant de succès sur West Florissant (en dépit de leurs propres déclarations), et cela doit leur faire une peur bleue.
Il y a toujours bien plus de manifestants noirs que blancs sur West Florissant, mais il semble que plus que la lutte, plus que la diversité grandit. Les commentaires initiaux adressés aux manifestants blancs tels que « Pourquoi êtes-vous ici ? » ont eu la réponse « mec, elle/il déteste la police aussi ! ». Maintenant que la présence de manifestants blancs est plus visible, les commentaires sont plus du genre « merci d’être ici ». Quelques sinistres groupes démocrates et gauchistes tentent de répandre des histoires absurdes selon quoi des petits groupes d’agitateurs blancs (ou même des infiltrés du KKK !) incitent les manifestants noirs à passer à l’attaque. Les hypothèses racistes sous-jacentes sur la nature exploitable de manifestants noirs sont évidentes si on se rend compte que c’est exactement la même façon dont des groupes comme Nation of Islam et le New Black Panther Party les considèrent. De retour dans le monde réel, les manifestants blancs commencent tout juste à rattraper un peu en termes de férocité leurs camarades noirs, qui sont assez grands pour prendre des décisions eux-mêmes.
Les autorités ont commencé quelque chose de bon flic/mauvais flic en donnant le commando des opérations à Ron Johnson (un policier noir qui a grandi dans le county du Nord). En journée, lui et ses agents enlèvent leur tenue anti-émeute et marchent aux côtés des manifestants. Cette astuce a bien marché avec les leaders auto-imposés de la contestation, qui travaillent ouvertement avec Johnson pour contrôler la foule.
Il y a eu d’innombrables appels de la Nation of Islam, du New Black Panther Party, et de leurs semblables conservateurs aux femmes de rentrer à la maison et aux costauds hommes noirs à mettre un pas en avant. Et encore d’autres tentatives patriarcales ont eu lieu pour diviser les manifestants. Les premiers jours, ces appels ont été accueillis avec un très fort rejet de la plupart de femmes noires. « Vas te faire foutre, retourne à l’église ». « Je suis ici depuis le premier jour ». « Ce sont nos enfants qui sont morts ». Mais le harcèlement constant semble avoir fonctionné, puisque de moins en moins de femmes descendent encore dans la rue, surtout pendant la nuit. Mais il y a toujours des femmes dans la première ligne, narguant la police et se précipitant dans les magasins pour se servir.
Presque tous ceux qui cherchent à limiter les actions des personnes les plus conflictuelles parmi les révoltés et qui se déclarent dirigeants de la communauté ont plus de 40 ans. Mis à part le fait de physiquement empêcher des jeunes à agir, ils essaient de les ostraciser de la manifestation. Ces vieux sages peuvent se promener avec une aura d’autorité paternaliste, mais les jeunes ne sont pas dupes : « Je ne peux pas écouter ces vieilles têtes qui disent la même chose depuis des années ». « Cette marche pacifique ne fonctionne pas, sans les pillages, personne ne se serait intéressée à Mike ». Pourtant, ils disent en permanence aux garçons de grandir et d’être des hommes ; aux jeunes femmes de rentrer à la maison, parce que les rues ne seraient pas sûres pour elles.
Paix et tranquillité
Il y a quelques indications comme quoi les groupes démocrates s’en vont de la ville de Ferguson. Ils commencent à organiser des rassemblements et de la désobéissance civile à Clayton et dans le centre-ville de St Louis. Peut-être qu’ils renoncent à leur campagne visant à contrôler les éléments enragés. Peut-être qu’ils essayent de coller un visage médiatiquement plus pacifique sur le mouvement. Peut-être qu’ils essayent de nouvelles stratégies pour obtenir justice. Seul le temps nous le dira.
La situation à Ferguson est effrayante. Il est facile de comprendre pourquoi certains, en particulier de ceux qui vivent près de l’activité, veulent un retour à la normale : des balles, des gaz lacrymogènes, des canons sonores, des barrages de contrôle, du feu. Mais malgré tout cela, il y a un nombre important d’entre nous qui ne veulent pas d’un retour à la normale. Nous descendons jour et nuit sur West Florissant pour chercher à comment éviter un tel retour. Pour nous, la lutte ne se limite pas à « justice pour Mike Brown » et à la condamnation d’un seul flic pour assassinat devant les tribunaux. Nous sommes en train de faire ce que nous faisons pour nous-mêmes, pour nos amis et nos proches, ainsi que pour Mike Brown. Nous avons déjà déclaré ce système coupable – le racisme, la structure de classe, le gouvernement, la police. Lorsque la « paix » à laquelle vous êtes constamment invité à revenir ressemble à l’impuissance, l’humiliation, la pauvreté, l’ennui et la violence, ça ne devrait pas être une surprise que beaucoup de personnes choisissent de se battre. Et pour être témoin de la férocité avec laquelle certains d’entre nous se battent, c’est presque comme si nous avions attendu ce moment depuis toute notre vie. Il y a deux nuits, des gens se sont précipités au poste de commandement de la police, obligeant les autorités à faire appel à la Garde Nationale. Auparavant, cela aurait été impensable, mais il y a moins de deux semaines tout ceci aurait été inimaginable.
Et alors nous trinquons un verre de gin pillé – un TOAST ! Que chacun puisse continuer à nous surprendre.
19 Août 2014
Brèves du désordre 46
Télécommunication interrompue - « Cher client. Il est possible qui vous ayez récemment rencontré des difficultés lors de l’utilisation de votre téléphone mobile. Ces problèmes techniques ont été causés par un incendie. » Voilà le message que l’opérateur de téléphonie et d’internet mobile Base a envoyé à tous ses abonnés. En effet, début septembre, un incendie aurait frappé un centre de données de Base, provoquant un black-out total. Contre la télécommunication qui mutile nos relations et ne sert qu’à mieux nous contrôler et exploiter, vive le dialogue, la communication horizontale, directe et non-médiée par des instruments du pouvoir. Multiplier les sabotages contre les infrastructures de télécommunication, c’est court-circuiter la voix du maître et le train-train quotidien.
Bruxelles ma belle - A coups de projets prestigieux et commerciaux, de toujours plus de flics dans les rues et de caméras de vidéosurveillance partout, le pouvoir mène son offensive contre la Bruxelles d’en bas, la Bruxelles des opprimés et des exploités. Son but, c’est de les priver de toute velléité de révolte et de les transformer en esclaves obéissants. Il y a pourtant aussi des signes indiquant que la lutte est toujours en cours. Ainsi, dans la belle tradition bruxelloise (et pas que, espérons-le !), mi-août, quelqu’un a dérobé l’ordinateur portable, ainsi qu'une sacoche de Delvaux et un costume, dans la voiture de fonction du premier ministre Elio di Rupo. Le vol a été perpétré alors qu'Elio Di Rupo s’était rendu en fin de journée dans une salle de fitness bruxelloise avenue des Arts, en quittant le siège de la Commission européenne. Les voleurs ont fracturé une porte et brisé des vitres pour emporter le contenu du coffre de sa voiture. Rappelons que les années précédentes, d’autres figures emblématiques du pouvoir ont été le cible d’agressions et de vols en circulant dans les rues de Bruxelles : l’archevêque Léonard, la ministre de l’Intérieur Joëlle Milquet (à deux reprises), le vice-président du parlement européen (sa bagnole a été cramée), le ministre de la Jeunesse carjacké…
Crever les yeux de l’Etat - Partout à Bruxelles, le pouvoir est en train d’implanter des caméras de vidéosurveillance, transformant la ville en grande prison à ciel ouvert. Dans la presse du pouvoir, on a pu lire que des actes de sabotage contre elle avaient été perpétrés au centre-ville. Et si la presse en parle, on peut être presque sûr que ce n’est que le sommet de l’iceberg et que bon nombre d'autres sabotages visent les yeux de l’Etat. L’article de presse était presque un manuel pour ceux qui veulent s’adonner à ce genre de sabotage, ce qu’on ne peut qu’encourager. L’article expliquait que les poteaux auxquels sont fixées les caméras s’ouvrent avec un outil spécial, de type clé triangulaire, voire clé à pipe. A l’intérieur du poteau se trouvent les câbles (un câble d’alimentation de 220 volts couplé à un transformateur qui met le courant à 12 volts ; et des câbles de fibre optique pour la transmission des données). Ces câbles peuvent alors être coupés ou, comme ça a été le cas au Marché au Poisson et au Quai au Bois de Construction au centre-ville de Bruxelles, brûlés, par exemple en bourrant la partie intérieure avec du tissu et d’autres matériaux inflammables pour ensuite y bouter le feu. L’article nous apprend encore qu’il y a apparemment de bons citoyens, propriétaires de magasins ou de maisons, qui proposent volontairement aux autorités de faire installer ces caméras de vidéosurveillance sur leur façade, estimant que cela contribue à leur propre sécurité ! A chacun de démontrer le contraire.
Braquages contre le mur des branchés - La restructuration urbaine a réussi à plus ou moins ériger un mur le long du Canal, séparant le quartier pauvre et populaire de Molenbeek du centre-ville branché et huppé autour de la rue Dansaert. Ce « mur » est bien emblématique de la transformation de Bruxelles en ville-prison. Heureusement, il y en a encore qui escaladent ces murs, il y a encore de la résistance contre cette offensive du pouvoir pour attirer des eurocrates, des bobos friqués, de jeunes entrepreneurs etc. Ainsi, en juin et en juillet, plusieurs braquages ont visé les commerces sur la rue Dansaert. D’abord le café huppé Barbeton, juste après la fin du match de la Coupe du Monde. Ensuite, l’autre café branché, De Walvis. Et deux semaines plus tard, encore une fois le Barbeton. Ces deux cafés font partie de la « chaîne » de cafés de l’entrepreneur-architecte Frédéric Nicolay. Les braqueurs ont menacé le personnel et le patron, pris le contenu de la caisse et du coffre et, avant de s’en aller, ont enfermé les personnes présentes dans la cave ou dans les toilettes. Dans la série de braquages bien ciblés, à noter encore celui du magasin Easy M, le grand revendeur des produits Mac. Là, les braqueurs ont réussi à rafler non seulement l’argent, mais tout un stock de I-Pad et d’I-Phone. Et le meilleur dans toute l’histoire : jusque-là, personne n’a été arrêté pour ces braquages. Face aux bourges, vive l’expropriation prolétaire !
Sus aux flics ! - Dans la cité sociale Andromède, à Woluwé-Saint-Lambert, des jeunes ont réussi à chasser à plusieurs reprises les poulets. Dès la nuit tombée (mais pas seulement), des patrouilles de police sont prises à partie à coups de barres de fer, de jets de pierres, de chaînes de vélos. Les anti-poulets se protègent en cachant leurs visages sous des cagoules ou des écharpes. Des guet-apens aussi : un containeur-poubelle en PVC est mis au milieu de la route avant d’être incendié. Les policiers qui interviennent essuient alors des jets de pierres. Révoltés de tous les quartiers, intensifions la révolte !
Pas de contrôle sans émeute - A Gand, un contrôle de titres de transport sur un tram de De Lijn mi-septembre a bien dégénéré. Au lieu de se soumettre docilement aux chasseurs des fraudeurs, deux jeunes ont résistés à la manie de contrôle. Les contrôleurs débordés ont fait appel à la police qui a été encerclée, insultée, agressée et assaillie par plus de 200 jeunes. Au final, la police a dû dépêcher 20 poulets sur place, a aspergé la foule avec du lacrymo pour sauver son cul, et il y en a eu un qui brandissait une mitraillette ! La porte-parole de De Lijn n’a pas du tout apprécié ce qui s’est passé. « C’est vraiment inacceptable », râlait-elle. Bien sûr que si, madame, c’est même bien, et sachez qu’à partir de maintenant, tout le monde qui en a marre de se faire contrôler aura en arrière tête l’émeute sur la place Wilson !
Pas à l’école - Presque réussi. Pas moins de 22 bus qui quittaient le terrain de stationnement de De Lijn tôt le matin du 2 septembre sont tombés en panne quelques centaines de mètres plus loin. Quelque chose aurait été mélangée dans le diesel, bloquant le moteur. En dépêchant des contrôleurs et en faisant circulent d’autres bus à moitié cassé, De Lijn a malheureusement quand même encore su transporter les jeunes aux camps d’éducation.
Plus jamais de prison - A Bruxelles, un détenu, condamné pour braquages, a réussi à se faire la belle lors de son transfert à l’hôpital d’Erasme. Il était surveillé par deux gardiens du corps de sécurité, mais un complice est venu à son aide en sortant de l’hôpital. L’arme au poing a fourni la force de persuasion nécessaire et les deux ont réussi à disparaître dans la nature.
A Hasselt, deux détenus ont essayé de s’évader en grimpant depuis le préau sur le toit de l’atelier. Un des détenus a escaladé le mur d’enceinte et a sauté dans le vide, 4 mètres plus bas. Et là, les détecteurs de mouvement ont donné l’alerte. Son copain n’a pas fait le saut. Aux dires de la direction pénitentiaire, c’était la toute première tentative d’évasion depuis la nouvelle prison de Hasselt. Ce n’est qu’un début, on espère.
Bruxelles ma belle - A coups de projets prestigieux et commerciaux, de toujours plus de flics dans les rues et de caméras de vidéosurveillance partout, le pouvoir mène son offensive contre la Bruxelles d’en bas, la Bruxelles des opprimés et des exploités. Son but, c’est de les priver de toute velléité de révolte et de les transformer en esclaves obéissants. Il y a pourtant aussi des signes indiquant que la lutte est toujours en cours. Ainsi, dans la belle tradition bruxelloise (et pas que, espérons-le !), mi-août, quelqu’un a dérobé l’ordinateur portable, ainsi qu'une sacoche de Delvaux et un costume, dans la voiture de fonction du premier ministre Elio di Rupo. Le vol a été perpétré alors qu'Elio Di Rupo s’était rendu en fin de journée dans une salle de fitness bruxelloise avenue des Arts, en quittant le siège de la Commission européenne. Les voleurs ont fracturé une porte et brisé des vitres pour emporter le contenu du coffre de sa voiture. Rappelons que les années précédentes, d’autres figures emblématiques du pouvoir ont été le cible d’agressions et de vols en circulant dans les rues de Bruxelles : l’archevêque Léonard, la ministre de l’Intérieur Joëlle Milquet (à deux reprises), le vice-président du parlement européen (sa bagnole a été cramée), le ministre de la Jeunesse carjacké…
Crever les yeux de l’Etat - Partout à Bruxelles, le pouvoir est en train d’implanter des caméras de vidéosurveillance, transformant la ville en grande prison à ciel ouvert. Dans la presse du pouvoir, on a pu lire que des actes de sabotage contre elle avaient été perpétrés au centre-ville. Et si la presse en parle, on peut être presque sûr que ce n’est que le sommet de l’iceberg et que bon nombre d'autres sabotages visent les yeux de l’Etat. L’article de presse était presque un manuel pour ceux qui veulent s’adonner à ce genre de sabotage, ce qu’on ne peut qu’encourager. L’article expliquait que les poteaux auxquels sont fixées les caméras s’ouvrent avec un outil spécial, de type clé triangulaire, voire clé à pipe. A l’intérieur du poteau se trouvent les câbles (un câble d’alimentation de 220 volts couplé à un transformateur qui met le courant à 12 volts ; et des câbles de fibre optique pour la transmission des données). Ces câbles peuvent alors être coupés ou, comme ça a été le cas au Marché au Poisson et au Quai au Bois de Construction au centre-ville de Bruxelles, brûlés, par exemple en bourrant la partie intérieure avec du tissu et d’autres matériaux inflammables pour ensuite y bouter le feu. L’article nous apprend encore qu’il y a apparemment de bons citoyens, propriétaires de magasins ou de maisons, qui proposent volontairement aux autorités de faire installer ces caméras de vidéosurveillance sur leur façade, estimant que cela contribue à leur propre sécurité ! A chacun de démontrer le contraire.
Braquages contre le mur des branchés - La restructuration urbaine a réussi à plus ou moins ériger un mur le long du Canal, séparant le quartier pauvre et populaire de Molenbeek du centre-ville branché et huppé autour de la rue Dansaert. Ce « mur » est bien emblématique de la transformation de Bruxelles en ville-prison. Heureusement, il y en a encore qui escaladent ces murs, il y a encore de la résistance contre cette offensive du pouvoir pour attirer des eurocrates, des bobos friqués, de jeunes entrepreneurs etc. Ainsi, en juin et en juillet, plusieurs braquages ont visé les commerces sur la rue Dansaert. D’abord le café huppé Barbeton, juste après la fin du match de la Coupe du Monde. Ensuite, l’autre café branché, De Walvis. Et deux semaines plus tard, encore une fois le Barbeton. Ces deux cafés font partie de la « chaîne » de cafés de l’entrepreneur-architecte Frédéric Nicolay. Les braqueurs ont menacé le personnel et le patron, pris le contenu de la caisse et du coffre et, avant de s’en aller, ont enfermé les personnes présentes dans la cave ou dans les toilettes. Dans la série de braquages bien ciblés, à noter encore celui du magasin Easy M, le grand revendeur des produits Mac. Là, les braqueurs ont réussi à rafler non seulement l’argent, mais tout un stock de I-Pad et d’I-Phone. Et le meilleur dans toute l’histoire : jusque-là, personne n’a été arrêté pour ces braquages. Face aux bourges, vive l’expropriation prolétaire !
Sus aux flics ! - Dans la cité sociale Andromède, à Woluwé-Saint-Lambert, des jeunes ont réussi à chasser à plusieurs reprises les poulets. Dès la nuit tombée (mais pas seulement), des patrouilles de police sont prises à partie à coups de barres de fer, de jets de pierres, de chaînes de vélos. Les anti-poulets se protègent en cachant leurs visages sous des cagoules ou des écharpes. Des guet-apens aussi : un containeur-poubelle en PVC est mis au milieu de la route avant d’être incendié. Les policiers qui interviennent essuient alors des jets de pierres. Révoltés de tous les quartiers, intensifions la révolte !
Pas de contrôle sans émeute - A Gand, un contrôle de titres de transport sur un tram de De Lijn mi-septembre a bien dégénéré. Au lieu de se soumettre docilement aux chasseurs des fraudeurs, deux jeunes ont résistés à la manie de contrôle. Les contrôleurs débordés ont fait appel à la police qui a été encerclée, insultée, agressée et assaillie par plus de 200 jeunes. Au final, la police a dû dépêcher 20 poulets sur place, a aspergé la foule avec du lacrymo pour sauver son cul, et il y en a eu un qui brandissait une mitraillette ! La porte-parole de De Lijn n’a pas du tout apprécié ce qui s’est passé. « C’est vraiment inacceptable », râlait-elle. Bien sûr que si, madame, c’est même bien, et sachez qu’à partir de maintenant, tout le monde qui en a marre de se faire contrôler aura en arrière tête l’émeute sur la place Wilson !
Pas à l’école - Presque réussi. Pas moins de 22 bus qui quittaient le terrain de stationnement de De Lijn tôt le matin du 2 septembre sont tombés en panne quelques centaines de mètres plus loin. Quelque chose aurait été mélangée dans le diesel, bloquant le moteur. En dépêchant des contrôleurs et en faisant circulent d’autres bus à moitié cassé, De Lijn a malheureusement quand même encore su transporter les jeunes aux camps d’éducation.
Plus jamais de prison - A Bruxelles, un détenu, condamné pour braquages, a réussi à se faire la belle lors de son transfert à l’hôpital d’Erasme. Il était surveillé par deux gardiens du corps de sécurité, mais un complice est venu à son aide en sortant de l’hôpital. L’arme au poing a fourni la force de persuasion nécessaire et les deux ont réussi à disparaître dans la nature.
A Hasselt, deux détenus ont essayé de s’évader en grimpant depuis le préau sur le toit de l’atelier. Un des détenus a escaladé le mur d’enceinte et a sauté dans le vide, 4 mètres plus bas. Et là, les détecteurs de mouvement ont donné l’alerte. Son copain n’a pas fait le saut. Aux dires de la direction pénitentiaire, c’était la toute première tentative d’évasion depuis la nouvelle prison de Hasselt. Ce n’est qu’un début, on espère.
Numéro 45 - juillet 2014
Finalement, le numéro 45 de Hors Service...
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« Et le temps passait pour moi comme s’il volait, et les fatigues ne m’atteignaient pas, et mon enthousiasme redoublait et me rendait téméraire, et me faisait sortir dès le point du jour en reconnaissance pour découvrir l’ennemi, et... tout pour changer la vie ; pour imprimer un autre rythme à cette vie qui est la nôtre ; pour que les hommes, et moi parmi eux, nous puissions être frères ; pour qu’une fois au moins la joie, jaillissant de nos poitrines, se sème sur la terre, pour que la révolution, cette révolution sociale qui a été le pôle et la devise de notre combat, puisse être, dans un temps prochain, un fait accompli. »
* Cette citation vient de « un incontrôlé de la Colonne de Fer », une milice anarchiste qui se battait pendant la révolution de 1936 en Espagne dans le secteur de Valence contre la réaction et les fascistes.
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« Et le temps passait pour moi comme s’il volait, et les fatigues ne m’atteignaient pas, et mon enthousiasme redoublait et me rendait téméraire, et me faisait sortir dès le point du jour en reconnaissance pour découvrir l’ennemi, et... tout pour changer la vie ; pour imprimer un autre rythme à cette vie qui est la nôtre ; pour que les hommes, et moi parmi eux, nous puissions être frères ; pour qu’une fois au moins la joie, jaillissant de nos poitrines, se sème sur la terre, pour que la révolution, cette révolution sociale qui a été le pôle et la devise de notre combat, puisse être, dans un temps prochain, un fait accompli. »
* Cette citation vient de « un incontrôlé de la Colonne de Fer », une milice anarchiste qui se battait pendant la révolution de 1936 en Espagne dans le secteur de Valence contre la réaction et les fascistes.
En lutte contre la construction d'une maxi-prison à Bruxelles
Pas de nouvelles prisons, pas de maxi-prison à Bruxelles!
Depuis quelques années, les murs des prisons sont percés par des révoltes, des mutineries et des évasions. Des prisonniers rebelles ont démoli des infrastructures carcérales, allumé des feux, refusé de réintégrer les cellules après le préau, sont montés sur les toits pour marquer leur rage. Ils ont pris des matons en otage, ouvert les portes des cellules pour tout le monde sur la section, attaqué la police en intervention. Le pouls s’accélère, la respiration devient plus profonde. Dans la révolte, nous découvrons la liberté.
A l’extérieur des murs aussi, certains serrent les poings et passent à l’offensif. De manifestations en attaques contre les entreprises qui font leur beurre sur l’enfermement. D’embuscades contre les matons, de l’incendie des voitures et de la villa du directeur de la prison de Bruges aux bombes sur le chantier de la nouvelle prison à Marche et à l’incendie destructeur sur le chantier de la nouvelle prison psychiatrique à Anvers. De l’organisation d’évasions en émeutes dans les quartiers. Les murs des prisons se sont souvent avérés de ne pas être assez costaux.
Mais face à la révolte, il y a la répression. L’État l’annonce depuis moment : la construction de 13 nouvelles prisons modernes et efficaces. Certaines sont déjà en construction, pour d’autres le gouvernement cherche encore des sites. Mais il est certain qu’à Bruxelles aussi, le pouvoir veut une nouvelle prison, la plus grande de toutes. Il veut la construire sur le territoire de la commune de Haren, entre Evere et Schaerbeek. Et qu’on se trouve dedans ou dehors, l’ombre de cette prison sera une chaîne autour du cou de nous tous.
Pas de ville-prison!
Ce n’est pas seulement pour dompter la révolte à l’intérieur des prisons que l’État veut construire cette nouvelle maxi-prison. Cette prison deviendra aussi un élément indispensable dans ce que les puissants sont en train de faire en général.
Ici à Bruxelles, le pouvoir est en train de mutiler une population entière, sans honte. Des projets de construction pour les puissants et leur fric poussent comme des champignons pendant que le Bruxelles d’en bas est enfoncé encore plus dans la misère ; les loyers augmentent, les allocations et les salaires diminuent. Les conditions de travail se dégradent, les lois sur l’immigration se durcissent. La zone du canal à Molenbeek est transformé en quartier branché pour riches, érigeant un vrai mur entre la galère d’un côté et l’insouciance arrogant des riches et leurs commerces de luxe. Au nord de Bruxelles, un tour, le plus haut de la ville, est érigé: conçu spécialement et uniquement pour offrir des logements de luxe aux eurocrates et aux dirigeants d’entreprises. La différence de ceux d’en haut et de ceux d’en bas ne pourrait pas être plus marquée.
Là où s’impose la fortune, le pouvoir a besoin de se protéger des opprimés, de protéger lui-même et sa propriété. La brutalité des sales keufs va de pair avec la lâcheté de leurs caméras et celles des bourges du coin. La nouvelle prison à Haren servira dans l’avenir à enfermer au moins 1200 personnes. Comme s’il n’y avait pas déjà assez de coups à endurer, pas assez de misère et de souffrance !
Aussi dans cette ville, qui commence à ressembler toujours plus à une prison, c’est la révolte qui nous donne de l’oxygène. La révolte contre les responsables de cette vie enchaînée. La révolte contre les milliers de murs qu’ils ont construits, partout autour de nous. La révolte pour pouvoir être libre, pour pouvoir respirer en être libre.
Alors, vive la mutinerie !
Tout plan peut être gâché, toute construction peut être sabotée, tout pouvoir peut être attaqué. La lutte contre la construction de cette maxi-prison doit être une lutte directe et offensive, c’est la seule manière de l’empêcher. On ne peut confier cette lutte à qui que ce soit (partis, syndicats,…), elle doit partir de nous-mêmes. Ce que nous proposons, c’est d’un côté une lutte qui mette des bâtons dans les roues de ceux qui veulent construire cette atrocité et en faire du fric (entreprises de construction, architectes, responsables politiques,...). De l’autre, une lutte qui tende à intervenir directement dans les rues contre tout ce qui nous emprisonne au quotidien autant que la nouvelle prison le fera.
Le pouvoir veut nous faire croire qu’on ne peut rien faire. Il se veut invulnérable. Mais les choses ne sont pas comme ça. Le pouvoir peut être attaqué partout où il se concrétise : dans ses bureaux, dans ses institutions, dans ses uniformes. Et cela, cette révolte, ne dépend que de nous-mêmes.
Ni politiciens, ni chefs: auto-organisation pour lutter contre le pouvoir!
Pas de nouvelles prisons: attaquons les entreprises qui les construisent!
Barrons la route aux projets de luxe et de contrôle: sabotons leurs chantiers!
Qui se fait du fric sur l’enfermement?
• Des constructeurs comme Valens, Bam et Denys; Cordeel, Willemen et Interbuild.
• Des architectes comme Buro II & Archi+I, Jaspers & Eyers, DDS & Partners, CERAU, Assar,
• Des banques comme BNP Fortis/Paribas, Belfius, ABN Amro et KBC
• Des boîtes comme Fabricom Cofely Services, Sodexo, Cegelec, Dalkia, Eurest et Cofinimmo
Une liste complète se trouve sur le site www.lacavale.be
Depuis quelques années, les murs des prisons sont percés par des révoltes, des mutineries et des évasions. Des prisonniers rebelles ont démoli des infrastructures carcérales, allumé des feux, refusé de réintégrer les cellules après le préau, sont montés sur les toits pour marquer leur rage. Ils ont pris des matons en otage, ouvert les portes des cellules pour tout le monde sur la section, attaqué la police en intervention. Le pouls s’accélère, la respiration devient plus profonde. Dans la révolte, nous découvrons la liberté.
A l’extérieur des murs aussi, certains serrent les poings et passent à l’offensif. De manifestations en attaques contre les entreprises qui font leur beurre sur l’enfermement. D’embuscades contre les matons, de l’incendie des voitures et de la villa du directeur de la prison de Bruges aux bombes sur le chantier de la nouvelle prison à Marche et à l’incendie destructeur sur le chantier de la nouvelle prison psychiatrique à Anvers. De l’organisation d’évasions en émeutes dans les quartiers. Les murs des prisons se sont souvent avérés de ne pas être assez costaux.
Mais face à la révolte, il y a la répression. L’État l’annonce depuis moment : la construction de 13 nouvelles prisons modernes et efficaces. Certaines sont déjà en construction, pour d’autres le gouvernement cherche encore des sites. Mais il est certain qu’à Bruxelles aussi, le pouvoir veut une nouvelle prison, la plus grande de toutes. Il veut la construire sur le territoire de la commune de Haren, entre Evere et Schaerbeek. Et qu’on se trouve dedans ou dehors, l’ombre de cette prison sera une chaîne autour du cou de nous tous.
Pas de ville-prison!
Ce n’est pas seulement pour dompter la révolte à l’intérieur des prisons que l’État veut construire cette nouvelle maxi-prison. Cette prison deviendra aussi un élément indispensable dans ce que les puissants sont en train de faire en général.
Ici à Bruxelles, le pouvoir est en train de mutiler une population entière, sans honte. Des projets de construction pour les puissants et leur fric poussent comme des champignons pendant que le Bruxelles d’en bas est enfoncé encore plus dans la misère ; les loyers augmentent, les allocations et les salaires diminuent. Les conditions de travail se dégradent, les lois sur l’immigration se durcissent. La zone du canal à Molenbeek est transformé en quartier branché pour riches, érigeant un vrai mur entre la galère d’un côté et l’insouciance arrogant des riches et leurs commerces de luxe. Au nord de Bruxelles, un tour, le plus haut de la ville, est érigé: conçu spécialement et uniquement pour offrir des logements de luxe aux eurocrates et aux dirigeants d’entreprises. La différence de ceux d’en haut et de ceux d’en bas ne pourrait pas être plus marquée.
Là où s’impose la fortune, le pouvoir a besoin de se protéger des opprimés, de protéger lui-même et sa propriété. La brutalité des sales keufs va de pair avec la lâcheté de leurs caméras et celles des bourges du coin. La nouvelle prison à Haren servira dans l’avenir à enfermer au moins 1200 personnes. Comme s’il n’y avait pas déjà assez de coups à endurer, pas assez de misère et de souffrance !
Aussi dans cette ville, qui commence à ressembler toujours plus à une prison, c’est la révolte qui nous donne de l’oxygène. La révolte contre les responsables de cette vie enchaînée. La révolte contre les milliers de murs qu’ils ont construits, partout autour de nous. La révolte pour pouvoir être libre, pour pouvoir respirer en être libre.
Alors, vive la mutinerie !
Tout plan peut être gâché, toute construction peut être sabotée, tout pouvoir peut être attaqué. La lutte contre la construction de cette maxi-prison doit être une lutte directe et offensive, c’est la seule manière de l’empêcher. On ne peut confier cette lutte à qui que ce soit (partis, syndicats,…), elle doit partir de nous-mêmes. Ce que nous proposons, c’est d’un côté une lutte qui mette des bâtons dans les roues de ceux qui veulent construire cette atrocité et en faire du fric (entreprises de construction, architectes, responsables politiques,...). De l’autre, une lutte qui tende à intervenir directement dans les rues contre tout ce qui nous emprisonne au quotidien autant que la nouvelle prison le fera.
Le pouvoir veut nous faire croire qu’on ne peut rien faire. Il se veut invulnérable. Mais les choses ne sont pas comme ça. Le pouvoir peut être attaqué partout où il se concrétise : dans ses bureaux, dans ses institutions, dans ses uniformes. Et cela, cette révolte, ne dépend que de nous-mêmes.
Ni politiciens, ni chefs: auto-organisation pour lutter contre le pouvoir!
Pas de nouvelles prisons: attaquons les entreprises qui les construisent!
Barrons la route aux projets de luxe et de contrôle: sabotons leurs chantiers!
Qui se fait du fric sur l’enfermement?
• Des constructeurs comme Valens, Bam et Denys; Cordeel, Willemen et Interbuild.
• Des architectes comme Buro II & Archi+I, Jaspers & Eyers, DDS & Partners, CERAU, Assar,
• Des banques comme BNP Fortis/Paribas, Belfius, ABN Amro et KBC
• Des boîtes comme Fabricom Cofely Services, Sodexo, Cegelec, Dalkia, Eurest et Cofinimmo
Une liste complète se trouve sur le site www.lacavale.be
Anderlecht : contre la maxi-prison et les rafles
Récit d’une petite manif sauvage à Anderlecht
DANS LA RUE Samedi 7 juin. 16h de l’après-midi. Il fait particulièrement chaud et la ville semble être au ralenti. En arrivant à la Place du Conseil à Anderlecht, la présence de quatre fourgons de police, stationnés devant la maison communale, saute aux yeux. Faut changer d’air, la place pue trop l’ordre. Trois banderoles sont deployées. Sabotons la maxi-prison. Ni rafles, ni contrôles, ni expulsions, feu aux papiers. Promoteur immobilier, bourge, eurocrate ; dégage. Le haut-parleur porte la voix des compagnonnes qui expliquent notre présence, qui appelent à la lutte, qui rappellent aux policiers présents la liste sinistre des personnes mortes et torturées lors de leurs interventions.
Une demi-heure plus tard, la quarantaine de personnes descendues dans la rue se mettent en mouvement et prennent la rue. Les slogans résonnent fort. Ni flic, ni maton, ni maxi-prison. Il est temps de saboter la machine à expulser. Hors-la-loi, contre l’Etat. Vol, pillage, sabotage, inaugurons leurs nouvelles prisons. La flicaille court vers les fourgons. Elle se dépêche. En voyant se refermer un piège pour bloquer l’ensemble de la manifestation, un rapide virage est pris. Les policiers sont supris, ils sautent des fourgons et se ruent sur les compagnons. Quelques coups sont échangés, ils tapent avec leurs matraques. Au final, cinq personnes sont arrêtées. La police se met en rang pour protéger l’arrestation. Trois rangées d’au moins quinze flics chacune. Les personnes arrêtées sont traînées aux fourgons, elles passeront quelques heures dans les cachots du commissariats avant d’être relâchées.
Deux heures plus tard, un joyeux groupe coupe les grillages qui entourent le terrain vague le long de la rue Brogniez (toujours à Anderlecht). Les grands murs blancs se transforment en autant de cris de rage. Des grandes lettres déssinées, Feu aux prisons, d’autres plutôt faites avec hâte qu’on a d’en finir avec ce monde. Avec quelques plaques en bleu, le terrain est rebaptisé Place Robin des Bois (Célèbre bandit et cauchemar historique des riches et des autorités).
Pendant deux semaines, notre présence pour appeler à cette manifestation a été plutôt palpable dans les quartiers d’Anderlecht, Saint-Gilles, Forest, Anneessens et Molenbeek. Que ce soient la quinzaine de milliers de tracts distribués, le millier d’affiches collées sur les murs ou tout simplement les rencontres et petites discussions lors des différentes initiatives. On pense qu’on a quand même réussi à se donner les moyens, autonomes et non-médiés, pour faire en sorte que la plupart des gens habitant dans ces quartiers soient au moins au courant de cette initiative de lutte, qui a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par de nombreuses personnes. Malgre l’enthousiasme qu’elles pouvaient exprimer pendant les distributions de tracts, on s’est retrouvé presque uniquement entre compagnons et compagnonnes. D’un côté, cela ne nous empêchera pas de continer à proposer des occasions pour lutter ensemble, et de l’autre, de construire un parcours autonome de lutte. On sait très bien que le problème de la prison, ce n’est pas seulement les murs, les gardiens et les barreaux, c’est aussi la réproduction du rôle de prisonnier qui en assure la perennité. Notre lutte, ce n’est pas seulement une lutte contre la construction d’une maxi-prison, les rafles ou contre l’aménagement de la ville en grande prison à ciel ouvert. C’est aussi un combat, plus profond encore, plus difficile encore, un combat acharné et virulent, un combat contre la resignation sur laquelle repose ce monde pourri.
DANS LA RUE Samedi 7 juin. 16h de l’après-midi. Il fait particulièrement chaud et la ville semble être au ralenti. En arrivant à la Place du Conseil à Anderlecht, la présence de quatre fourgons de police, stationnés devant la maison communale, saute aux yeux. Faut changer d’air, la place pue trop l’ordre. Trois banderoles sont deployées. Sabotons la maxi-prison. Ni rafles, ni contrôles, ni expulsions, feu aux papiers. Promoteur immobilier, bourge, eurocrate ; dégage. Le haut-parleur porte la voix des compagnonnes qui expliquent notre présence, qui appelent à la lutte, qui rappellent aux policiers présents la liste sinistre des personnes mortes et torturées lors de leurs interventions.
Une demi-heure plus tard, la quarantaine de personnes descendues dans la rue se mettent en mouvement et prennent la rue. Les slogans résonnent fort. Ni flic, ni maton, ni maxi-prison. Il est temps de saboter la machine à expulser. Hors-la-loi, contre l’Etat. Vol, pillage, sabotage, inaugurons leurs nouvelles prisons. La flicaille court vers les fourgons. Elle se dépêche. En voyant se refermer un piège pour bloquer l’ensemble de la manifestation, un rapide virage est pris. Les policiers sont supris, ils sautent des fourgons et se ruent sur les compagnons. Quelques coups sont échangés, ils tapent avec leurs matraques. Au final, cinq personnes sont arrêtées. La police se met en rang pour protéger l’arrestation. Trois rangées d’au moins quinze flics chacune. Les personnes arrêtées sont traînées aux fourgons, elles passeront quelques heures dans les cachots du commissariats avant d’être relâchées.
Deux heures plus tard, un joyeux groupe coupe les grillages qui entourent le terrain vague le long de la rue Brogniez (toujours à Anderlecht). Les grands murs blancs se transforment en autant de cris de rage. Des grandes lettres déssinées, Feu aux prisons, d’autres plutôt faites avec hâte qu’on a d’en finir avec ce monde. Avec quelques plaques en bleu, le terrain est rebaptisé Place Robin des Bois (Célèbre bandit et cauchemar historique des riches et des autorités).
Pendant deux semaines, notre présence pour appeler à cette manifestation a été plutôt palpable dans les quartiers d’Anderlecht, Saint-Gilles, Forest, Anneessens et Molenbeek. Que ce soient la quinzaine de milliers de tracts distribués, le millier d’affiches collées sur les murs ou tout simplement les rencontres et petites discussions lors des différentes initiatives. On pense qu’on a quand même réussi à se donner les moyens, autonomes et non-médiés, pour faire en sorte que la plupart des gens habitant dans ces quartiers soient au moins au courant de cette initiative de lutte, qui a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par de nombreuses personnes. Malgre l’enthousiasme qu’elles pouvaient exprimer pendant les distributions de tracts, on s’est retrouvé presque uniquement entre compagnons et compagnonnes. D’un côté, cela ne nous empêchera pas de continer à proposer des occasions pour lutter ensemble, et de l’autre, de construire un parcours autonome de lutte. On sait très bien que le problème de la prison, ce n’est pas seulement les murs, les gardiens et les barreaux, c’est aussi la réproduction du rôle de prisonnier qui en assure la perennité. Notre lutte, ce n’est pas seulement une lutte contre la construction d’une maxi-prison, les rafles ou contre l’aménagement de la ville en grande prison à ciel ouvert. C’est aussi un combat, plus profond encore, plus difficile encore, un combat acharné et virulent, un combat contre la resignation sur laquelle repose ce monde pourri.
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