Le quartier de haute sécurité détruit mes potes

Je suis détenu à Bruges, j'ai purgé 10 ans, ils m'ont fait purger fond de peine, mais dans deux semaines, le 24 août 2013, à 18h, je serai dehors.

Il y a quelques jours, on est venu me dire qu'ils ont descendu mon pote d'enfance Yousri El Attar à la cave, au QHS ici à la prison de Bruges. Ils lui avaient collé une mesure disciplinaire. Sur le papier qui justifie la prise de la mesure, il y avait seulement marqué: Hakim Ghazouani, mon nom, et rien d'autre. Ne me dis pas que c'est une raison ça, c'est un truc de fou.>

Yousri est un détenu qui ne se laisse pas faire, il en vient donc régulièrement aux mains avec les matons. À Saint-Gilles, il avait été enfermé à l'aile B, c'est l'aile stricte. Il n'en pouvait plus, deux douches par semaine et souvent même moins encore, et des gardiens qui tapent les détenus pour un rien. Comme plein d'autres, il voulait son transfert et il a dû l'arracher de la direction. Il a tapé cinq gardiens, et deux ont porté plainte. Il va sûrement encore ramasser pour ça. Arrivé il y a trois semaines à la prison de Bruges, il a été enfermé dans l'aile 31, c'est là où on est tout seul en cellule. Une aile de strict avec une dizaine de cellules.
La direction sait très bien comment il est, les matons aussi. Alors ils l'ont cherché, ils l'ont cherché jusqu'à ce qu'il pète les plombs. Lui coller une mesure sans qu'il n'ait rien fait, lui dire voilà c'est tout, maintenant tu ne sors plus, ils savaient très bien qu'il n'allait pas laisser ça comme ça. Alors il a arraché sa cellule, et il s'est coupé le ventre avec une Gillette. C'est eux qui l'ont poussé à faire ça. Ils veulent le mettre à bout, ils le provoquent.

Normalement, la procédure pour un placement à l'aile de haute sécurité ici passe par le Ministre de la Justice. Pour faire descendre Yousri, il n'a fallu qu'un coup de fil de la directrice De Loof à Hans Meurisse (directeur-général des prisons). Il a directement dit: ok, amène-le au QHS. Chaque prison a sa propre loi, ici c'est envoyer des gens au QHS pour rien du tout. Ils sont venus le prendre le matin, après le préau, et ils l'ont descendu à la cave.
J'ai su échanger quelques mots avec lui par la fenêtre et j'ai entendu à sa voix qu'il ne peut plus supporter l'isolement. « Ils s'acharnent vraiment sur moi, c'est pas possible » me disait-il. Je le connais depuis qu'on est gamin, je sais quand il est ok et quand ça va vraiment pas. Là ça va vraiment pas. En plus il y a des chefs qui me disent qu'il le cherche lui-même, qu'il est bien là-bas, ils doivent être malades dans leurs têtes.

Dans ce QHS, ils sont en train de rendre des types fous. Ils veulent le tuer, avec leurs psychiatres, et leurs médicaments, c'est eux qui lui donnent tout ça. En ce moment, aucune personne enfermée ne peut avoir la visite, sauf un type qui se tient bien à carreaux. Pour obtenir un transfert de là-bas, un autre détenu a fait courir le bruit que quelques grosses têtes avec de larges peines enfermées là-bas voulaient s'évader, et depuis, plus aucune visite. C'est un mensonge total. Les gars-là n'ont rien, il y a des fouilles de cellule tous les jours.

Cette directrice De Loof qui lui a collé la mesure vient tout juste de revenir des vacances prolongées. Le 23 février 2013, elle avait ramassé une pèche d'un détenu après qu'elle lui ait annoncé que son régime allait s'endurcir. Elle a eu le nez pété, le gars a été mis au QHS et elle a pris des vacances. Cela ne fait que 2-3 semaines qu'elle est revenue et elle s'acharne vraiment contre tout le monde, comme une pitbull. On dirait qu'elle laisse son cœur dans le casier quand elle rentre ici.

Quand j'ai entendu que mon pote se trouve là, pour rien du tout en plus, ça m'a mis les nerfs, je ne peux pas laisser passer ça. Mais t'inquiètes, je n'oublie rien.
Franchement, c'est quoi ça? Enfermer des gens à la haute sécurité pour des conneries à deux balles, c'est ridicule. Il faut que ça s'arrête. Les personnes qui décident de tout ça sont vraiment indignes.
Les gens doivent savoir ce qui se passe ici...

6 août 2013, prison de Bruges, Hakim Ghazouani