Le pouvoir essaie d'élargir son emprise sur la rue

La ville change. Le quotidien des quartiers est à l'image de la vie et la survie de ses habitants. Les rapports dans les rues de Bruxelles n’échappent sans doute pas à la logique dominante de l'argent et du pouvoir. Mais ici et là, dans les fissures et les fentes, par ennui ou par ras-le-bol, des rencontres inattendues ou préméditées peuvent naître sans être dictées par les calculs du profit et de la récupération.

Le pouvoir essaie de les empêcher, il part sans cesse à la reconquête des rues. Le gouvernement et toutes ses institutions font preuve de grands efforts pour modeler la ville et la structurer : contrats de quartier, reconstruction de places et de rues, ouverture de pôles emploi, rénovation de quelques façades, promotion de l'idéologie de la propreté, multiplication des uniformes de tout poil (des mauves aux rouges, en passant par les gris et les bleus), augmentation des yeux de caméras pour nous espionner, développement de logements sociaux à acheter uniquement accessible à une classe moyenne laborieuse, etc. Les défenseurs du pouvoir parlent de « mixité sociale » et de « revalorisation », ce qui veut dire en fait attirer de nouveaux habitants qui diffusent une morale citoyenne (soumission aux institutions et éthique du travail) et donnent une « meilleure » image du quartier, laissant sur le bas côté tout ceux qui ne rentrent pas dans leurs cases. C'est le même refrain que nous entendons depuis 150 ans pour mater les révoltes des quartiers populaires contre les riches et les puissants.

Ce n'est pas une coïncidence que parallèlement à ces efforts, des promoteurs immobiliers transforment des terrains vides, des ateliers et des dépôts en lofts et appartements de luxe pour tirer un maximum de profit. Cureghem est convoité pour sa proximité avec le centre, la gare du Midi et sa « vue sur le canal ». Les locataires aisés poussent les loyers à la hausse et les autres sont forcés de toujours plus s'entasser ou de déménager vers des contrées plus lointaines et plus isolées (Alost, Renaix, Charleroi...). Cette même dynamique a déjà agi dans plusieurs quartiers, comme autour de la rue Dansaert, le long du canal à Molenbeek ou dans le bas de Saint-Gilles.

Le pouvoir et ceux qui marchent à sa botte peuvent faire des calculs et dessiner des plans, mais leurs ambitions totalitaires ne deviennent pas réalité pour autant et tout ce qui est préparé sur leurs tables à dessin peut être saboté sur le terrain.

Soyons incontrôlables !