Il y a quasi un an, l’Etat belge a lancé une idée qui devait fournir une solution rapide et improvisée à la situation intenable des prisons belges : trop de monde et surtout trop d'agitation. Les révoltes contre l’enfermement, avec mutineries, évasions, grèves de préau, etc,.y sont monnaie courante depuis des années. Et mis à part le fait que l’opinion publique crie de temps en temps au scandale, les matons n’en peuvent plus. Ils se plaignent de leur sécurité et partent en grève. Dans ce cas, c'est alors la police doit reprendre le contrôle de la prison, créant de nouveaux scandales. En outre, la police a selon ses propres termes "déjà assez à faire à l’extérieur des murs", et se met donc à son tour à se plaindre de ce travail supplémentaire. Toutes ces lamentations ont donc fini par monter jusqu'aux oreilles du gouvernement, et plus spécifiquement à celles du ministre "compétent" en la matière, Stefaan De Clerck. Tu t’apitoierais presque sur son sort, si ce n'était que nous voyons en lui et ses confrères un tas d’énormes enfoirés, et que nous sommes bien plus partisans de raser définitivement toutes les prisons.
Pour sortir de cette pénible situation, De Clerck a alors pondu sa proposition d’une solidarité transfrontalière, solidarité qu'il ne faut pas interpréter de travers. A Tilburg, aux Pays-Bas, l’Etat allait louer une prison qui ne recueillait rien d’autre que de la poussière et créait ainsi du chômage. Cette prison deviendrait un bout de territoire belge où ses lois resteraient en vigueur, mais ces pauvres diables de gardiens hollandais pouvaient continuer d'y sévir et conserver leur boulot. Début février, c'est le grand jour : 500 prisonniers sont transférés vers le nouveau joujou belge. Mais s'il devait d'abord être rempli de volontaires, la plupart des prisonniers ont été contraints d'y aller de force, dès qu’il est devenu clair qu’il n’y en aurait pas assez souhaitant jouir de l’isolement de son propre gré.
Comme ce morceau s'est vite retrouvé sans saveur, le silence entourant ce plan a été rapidement brisé par les prisonniers eux-mêmes. Fin février, des lettres et des appels téléphoniques de Tilburg sortaient avec un message très clair : si les conditions ne s'amélioreraient pas, il y aurait des mutineries et des évasions. La direction de la prison et les deux gouvernements ont immédiatement réagi pour minimaliser ces anicroches, les démentant comme de « petits problèmes de mise en route ». Entretemps il est vrai, les gardiens hollandais avaient avoué avoir peur de cette tension et craindre d’être pris en otage par les prisonniers. Depuis, peu de nouvelles ont filtré à travers les barreaux. Mais ce qui est bien clair, c’est que ces enfoirés en cravate ou en uniforme peuvent oublier le silence qu’ils espéraient. Juste après la menace de mutineries, un des prisonniers à Tilburg a mis le feu à sa cellule. Dix jours plus tard, il était réexpédié en Belgique. La direction a démenti que ce transfert soit la conséquence de sa révolte. Perdant cependant tout espoir de le cacher, le syndicat des matons CGSP a commenté qu' « un prisonnier a été transféré parce qu’il a cramé toute sa cellule » et que « si le reste des prisonniers le savait, ça pourrait bien bien brûler ici. »
Nous nous réjouissons d’avance de ces prévisions météorologiques du CGSP.
Avec notre mépris sans bornes ni frontières pour toute forme d’enfermement, nous sommes solidaires des mutineries dans les prisons, des évasions et de la résistance contre l’enfermement, dedans comme dehors. Parce que ce sont des expressions de rage -une rage que nous ressentons aussi- contre ceux qui aimeraient trop bien te faire croire que tu es coincé. Parce qu’à des moments pareils, la rage influe directement sur la situation qu’ils t’imposent.
Pour que la question des prisons devienne un problème inévitable pour ceux qui veulent les gérer. Pour que ce sur quoi ils veulent actuellement garder de manière bâclée la main leur explose avec force en pleine gueule…
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Ils vont construire 9 nouvelles prisons
En plus de la location de la prison de Tilburg, l’Etat a aussi des plans qui témoignent d’un certain planning à long terme. Voici un peu d’information pratique à propos du « master plan » qui sera un des plus grands programmes d’investissement en Belgique : la construction de 9 nouvelles prisons et l’agrandissement de plusieurs prisons existantes.
Concernant les nouvelles prisons de Termonde, Beveren, Leuze-en-Hainaut et Marche-en-Famenne, l’Etat décidera cet été quelles entreprises privés gagneront les contrats de construction. Il y a déjà quelques vieilles connaissances dans ce concours. BESIX, l’entreprise qui construit actuellement le nouveau centre fermé à Steenokkerzeel, s’est ainsi portée volontaire. D’autres candidats enthousiastes sont les bureaux d’architectes BURO II, JASPERS-EYERS PARTNERS et STEPHANE BEEL. Le consortium comprenant le constructeur INTERBUILD et les banques DEXIA et KBC offrent aussi leurs services, tout comme le consortium Future Prisons (avec les entreprises CORDEEL & WILLEMEN), STRABAG, JAN DE NUL, ARIANE et EIFFAGE.
Pour les prisons de Gand et d'Anvers, les enquêtes sont en cours en vue d’éventuels agrandissements. Dans ces deux villes, ils veulent aussi construire deux nouvelles prisons psychiatriques. A Gand, les plans de cette prison ont déjà été tracés par les bureaux d’architectes ABSCIS, DJGA, INGENIUM et DERVAUX, la construction sera entre autre l’œuvre d’AT OSBORNE et le site, c’est près des Wondelgemse Meren. A Achêne, ils veulent construire une prison pour mineurs. Enfin, il y a aussi des projets pour des nouvelles prisons à Sambreville et à Haren (à côté de Bruxelles). La prison de Haren deviendrait un méga-complexe avec une capacité d’enfermer plus de 1000 personnes. Ils ont dit que cette nouvelle prison permettra de fermer les actuelles prisons de Forest, Saint-Gilles et Berkendael. Mais cette histoire, on la connaît déjà. Quand ils ont construit la prison d'Andenne et plus tard celle d’Ittre, ils avaient déjà dit qu'elles remplaceraient la prison particulièrement insupportable de Forest. Evidemment, ils n’ont fermé aucune prison.