« Les politiciens l’ont bousillé. Je ne vais pas voter et j’appelle tout le monde à ne pas aller voter. » C'était avec un peu de joie, que j’écoutais la voix de l’intellectuel/artiste sur la radio. Ce jour-là, il faisait beau (évidemment pas vraiment, il faisait le temps pleuvasse typiquement belge, heureusement on n’aura plus de ça quand le pays sera finalement scissionné). Mais mon sourire s’éclipse aussi vite qu’il était venu quand je comprends que l’appel à ne pas participer à la Roue de la Fortune de la démocratie avait justement l’intention de sauver cette même démocratie. Quelque chose avec « envoyer un signal » et « réveiller » les politiciens ? Quelle confusion.
L’appel se noyait donc rapidement dans des plaidoyers bienveillants invitant quand même à aller voter pour les « bons ». Selon les uns, ce sont ceux qui sont capables de demeurer intraitables ; selon les autres, ce sont ceux qui savent faire des compromis. Selon les uns, ce sont ceux qui ont compris que la scission de BHV est prioritaire ; selon d’autres, ce sont ceux qui s’attaqueront à la crise en scissionnant les sous (plus pour « l’économie en souffrance » et donc plus pour les patrons). Encore plus de confusion.
« Le capitalisme est malade. » Des propos surprenants pour le rédacteur en chef d’un journal consommé quotidiennement par tous les capitalistes du pays. Bien sûr, il voulait en fait dire que le capitalisme normalement rayonnant de santé, a attrapé un petit rhume. Rien auquel les bons médocs – et pour l’avenir le suivi des prescriptions des médecins – ne pourraient pas remédier. « De toute façon, il n’y a pas d’alternative. » Bref, il n’y a pas de soucis et de toute façon, on n’a pas le choix. Pauvreté ? Exploitation ? Oppression? Qui parlait de confusion?
Un peu naïf de ma part de croire un instant que ces deux clowns/représentants de l’élite intellectuel et économique (les grands défenseurs respectivement de la démocratie et du capitalisme) seraient entrés soudainement dans le cœur des choses.
Assez de confusion. Enfin, les choses ne sont pas aussi difficiles. Même s’ils prétendent, lors de chaque spectacle électoral, qu’il est d’intérêt vital d’aller voter et de colorer en plus la « bonne » case. Bien avant ces nouvelles élections, il était clair qu’aller voter ne nous donne pas plus de pouvoir sur notre propre vie. A chaque fois de nouveau l’espoir de, peut-être, quelque part dans les engrenages des mécanismes économiques et politiques, exercer quand même de l’influence. Et entretemps, on a donné notre voix, on a donné le pouvoir aux autres. On laisse les décisions à d’autres : des bureaucrates, des spécialistes, les écrivains professionnels de discours. Tout comme aller travailler et gagner de l’argent ne nous ont jamais vraiment donné plus de choix. Tout au plus, le choix entre quelques articles de consommation et encore, selon son salaire. Mais au-delà de ça, ça nous a surtout pris beaucoup de temps et d’énergie.
Je ne vais pas aller voter, moi. Tout comme j’essaye de gaspiller le moins de temps possible à travailler. Clairement, ce ne sont que deux petits gestes de désobéissance. Je ne veux donc pas dire que ne pas aller aux bureaux de vote déstabiliserait tout d’un coup le système, non, c’est presque symbolique. Mais ces gestes me fournissent de l’espace dans ma tête pour remplir le reste de l’année, le reste du temps, de manière intéressante. Pour faire les choix que je compte faire et avec un grand majeur contre tous ceux qui essayent de m’en empêcher.