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Les troubles ont commencé en Algérie, ensuite ils se sont propagés vers la Tunisie et l’Egypte. En ces deux pays, les troubles sont vite devenus des vraies soulèvements qui n’ont pas été limités ni à une région, ni a une partie de la population. Aussi dans d’autres pays de la région, pleins de gens se sont inspirés de la force de cette rage. Les leaders arabes dorment mal ces derniers temps. Les médias occidentaux ont pendant tout un temps fait fi des évènements, jusqu’au moment où ce n’était plus possible de ne pas les voir. Les leaders d’ici ont réagi encore plus tard et cherchent maintenant à tout prix de sauver les meubles (leurs meubles) et de préserver leurs intérêts. Et voilà donc que dans leurs bouches, les soulèvements deviennent des « mouvements de protestation démocratiques », ils se fabriquent déjà des nouveaux alliés. L’armée essaye de choisir bien son camp, en fonction du maintien de son pouvoir et de ses privilèges, sachant aussi qu’au moins une partie des soldats écoutera plutôt les cris des insurgés que les ordres des officiers.
Entretemps, les futurs puissants arabes cherchent à avoir de la grippe sur la situation, négociant maintenant leur partie du gâteau. Mais démocratie ou dictature ; l’oppression et l’exploitation continuent, ce ne sont que leurs formes qui changent, qui deviennent moins brutales. C’est une leçon du passé (après l’écroulement de l’Union Soviètique, des dictatures militaires en Amérique Latine, de l’Espagne franquiste… le business as usual continuait sur beaucoup de domaines de la vie), c’est comment on l’expérimente ici dans l’Occident démocratique.
Les nouveaux et les anciens puissants peuvent bien être occupés à jouer leurs jeux stratégiques, les soulèvements ne sont pas encore le passé. En Tunisie, pleins de gens continuent à allumer des feux de rage (même s’ils essayent de nous faire croire que la transition démocratique bat son plein et que l’ordre règne) ; en Egypte, le soulèvement se trouve dans une phase cruciale (il doit maintenant trouver des manières pour éviter d’être isolé et épuisé) ; dans d’autres pays, on assiste encore qu’aux débuts des troubles, avec une possibilité latente qu’ils se transformeront en soulèvements.
Nous avons des picotements dans nos mains et le battement de nos cœurs s’accélère en écoutant les histoires d’au-delà du Méditerranée qui viennent jusqu’à nos oreilles. Un soulèvement, une insurrection, ne fût qu’en termes de possibilité, est quelque chose que nous aussi, nous voulons découvrir.