Révolte en Afrique du Nord. Manifestations massives, émeutes avec la police, incendies, bâtons et pierres contre les puissants et ceux qui les protègent. Ce qui se passe là-bas fait battre nos cœurs plus fort ici, nous rapproche un peu plus la révolte ici.
Mais attendez, car les images qui nous parviennent comptent surtout des mecs. Heureusement, nous pouvons voir ici ou là quelques groupes de femmes, ou quelque part une fille courageuse qui brave les flics anti-émeutes, et une ferme mamie qui trimballe une grande pierre. Malheureusement, elles restent une exception. La plupart des photos de femmes dans les protestations que nous voyons ici, pleurent par contre dans la rue, protégées par des hommes, ce sont des femmes qui prient, ou qui embrassent les soldats. Cette image d’une femme soumise, infirme, faible ne nous rappelle que trop un vieux son de cloche…Où sont passées les femmes combatives ?
Quand l’imam Ghannouchi, vieux rival de Ben Ali, retourne après 21 ans d’exil de Londres en Tunisie, tout le monde ne le fête pas. Il a à peine mis les pieds sur la terre tunisienne, que des femmes le lui font savoir avec des pancartes : « Pas d’islamisme, pas de théocratie, pas de sharia, pas de connerie. » Quelques centaines de femmes manifestent contre ses idées patriarcales. Elles étaient actives dans la révolte contre Ben Ali, et ne souhaitent pas faire marche arrière, s’éloigner de leur émancipation. « Nous voulons envoyer un message clair aux islamistes, surtout à ceux du mouvement Ennahda [dont Ghannouchi est le leader] – nous ne reculerons pas, nous n’abandonnerons pas nos droits », clame l’une d’elles.
La situation des femmes dans le monde arabe diffère de pays en pays, selon les évolutions historiques, et la camisole des traditions religieuses et familiales est parfois un peu plus, parfois un peu moins serrée. Nous ne connaissons pas la position des femmes dans les différentes révoltes qui ont lieu en ce moment. Les féministes de là-bas s’occupent surtout de faire l’apologie de la démocratie contre la violence. Ce n’est donc pas de ce côté-là qu’on trouvera ce que l’on cherche. Ce qui semble par contre clair, c’est que, pour beaucoup de femmes, un double combat se déroule pour l’instant. Une lutte contre le pouvoir, mais aussi contre la morale paternaliste, traduite dans la bouche des frères et des pères, qui ne tolèrent pas des femmes combatives, contre les mères maternalistes qui veulent garder les filles au foyer. Car pour ceux-là, les filles restent chez elles, vont sagement à l’école, elles n’apprennent pas comment viser avec une pierre, droit au but. Il s’agit d’une lutte qui dépasse largement la question de la démocratie contre la dictature. Un bâtard, élu ou auto-élu, reste un bâtard.
Quel meilleur moment pour mener cette lutte qu’au sein d’un contexte de révolte généralisée ? Quand les gens s’insurgent, découvrent leurs propres possibilités, la possibilité de tout renverser aussi, c’est le moment de dépasser les bornes. Sur ce, un petit coup de chapeau à de grandes femmes, là-bas et ici.