Au travail!
Le son du réveil qui t’extirpe de tes rêves profonds vers la surface de l’existence : le début d’une journée pareille, une journée arrachée à tes mains, une journée qui n’est plus la tienne. A cause du besoin d’argent. A cause de la foi dans le saint travail.
Le son du tram, métro, bus, trains grondants, voitures klaxonnantes et tintements de sonnettes de vélo. Le son de pas pressés à chaque coin de rue. L’horloge fait tic-tac, je dois me dépêcher, tic-tac, je ne peux pas être en retard, tic-tac, la course vers le travail. Sur le chemin, les gens se bousculent, ils poussent l’autre dans un coin quand ils se plongent dans les transports en commun bourrés, ils écrasent tout le monde dans leur ligne droite vers les bureaux, les usines, les magasins.
Et alors… le son de l’enfant qui rit encore, rendu muet par l’ordre de se taire. Se taire, au milieu de la folie de tous ces bruits agressifs, cette cacophonie d’un monde qui tourne, tourne, tourne, tourne autour de l’argent et de l’esclavage. Se taire, dans un monde qui est comme une cocotte-minute, prête à exploser à cause d’une accumulation de vacarme forcené, de bruits violents, plus vite, plus vite, plus vite…
Des sons d’ordinateurs, de machines, de portables. Bip-bip-attention-bip… Des sons d’électronique. Travaux de voirie, chantiers, sirènes. Un homme est capable de s’adapter aux conditions les plus rudes. A tel point que nous ne sentons plus, ne savons même plus discerner ce qui ne va pas. Plus comprendre d’où vient précisément ce néant dans notre corps. Un néant produit par l’attaque continuelle contre nos sentiments, par une adaptation ininterrompue à cette agressivité, par cultiver une peau d’éléphant et penser que celle-là nous rend courageux et forts. Un néant, à tous les endroits où nous aurions pu être remplis d'un torrent de vie.
Se courber, pour rester droit dans un monde tordu. Se tromper en pensant qu’il devrait être ainsi, voire y croire réellement et forcer les autres à faire pareil. Devenir un élément de cette frénésie. Et surtout… oublier que les choses pourraient être autrement. Imagine… Un moment… Imagine un monde sans travail salarié. Un monde sans la concurrence répugnante stimulée par le travail. Sans la méfiance et le contrôle parmi les hommes, sans les milliers de camisoles dans lesquelles on se serre ou on est serré. Une vie sans les problèmes causés par l’argent, les ordres, la pauvreté, la fatigue traînante. Ça semble valoir la peine, non ?
Pour finir… Le son des gens qui sont entrés dans les bureaux du Forem à Liège, l’Actiris wallon. Non, pas les pas d’un chômeur mal assuré et isolé, que le contrôle a appelé à rendre des comptes. Aujourd’hui, le 4 mars 2011, ce sont les pas précis et solidaires de grévistes masqués. Les bureaux sont saccagés, le bruit de la destruction libératrice casse le son des ordinateurs, des prises de bec et de l’humiliation qui remplissent habituellement l’air des ces locaux-là. Le son de la vie fracture le monde terne du travail obligé…