Un après-midi de mai, deux grandes banderoles ont été attachées sur Saint-Gilles : une sur la Porte de Hal, l’autre en haut de la chaussée de Forest à l’entrée de St-Gilles. Sur les banderoles : “Forest, St-Gilles, toute prison est invivable. Détruisons toutes les prisons.” Pendant une bonne heure, des compagnons et compagnonnes ont ensuite distribué le tract en haut aux passants.
Depuis quelques semaines, la prison de Forest attire l’attention de quelques haut-placés, entre autre un procureur. Après sa participation active à l’envoi de milliers de personnes en prison (entre autre à Forest) ce monsieur le procureur déclare que la prison de Forest est invivable, et ben... On se demande : n’est-elle pas dans cet état depuis des années ? À quatre dans une cellule pour deux, partage de couverts car il n’y en a pas assez pour tout le monde, pas de soins pour les prisonniers qui souffrent de tuberculose, pas plus qu’une heure de promenade par jour... Et comme cerise sur le gâteau : des actions de service minimum de la part des matons, ce qui aggrave toujours la situation en taule : pas de promenade, pas de visite, pas de douche, pas d’activités.
Puis, il y a eu le bourgmestre de Forest qui s’en mêlait et menaçait de déclarer le bâtiment insalubre. On s’est posé la question : qu’est-ce que ce serait, une prison vivable ? Qu’est-ce que ce serait une prison salubre ? Et nous n’avons pas trouvé de réponse. Même une cage dorée reste une cage, pas vrai ? L’Etat par contre a ses plans pour construire 10 nouvelles prisons qu’il prétend « plus humaines » que les vieilles structures comme Forest, Saint-Gilles, Verviers (déclaré insalubre en automne 2011). Ce seront des établissements plus grands, avec plus de cellules, pour enfermer plus de gens. Ce seront des établissements propres, stériles, comme des laboratoires où on expérimente sur des gens : comment injecter la docilité ?
En vrai, ce qui inquiète les hommes du pouvoir, ce n’est pas tant la question de savoir si la prison de Forest est invivable ou insalubre, mais plutôt la possibilité, pas si lointaine, qu’elle devienne ingérable. C’est-à-dire, que les prisonniers rassemblent leur courage, n’attendent plus la « bienveillance » des haut-placés et se révoltent, pas seulement comme un cri de vie et de liberté, mais pour détruire de fond en comble la prison. Aujourd’hui, à Forest comme dans d’autres prisons, il y a une occasion à saisir : endommager les aspects vitaux de la prison (comme les canalisations, les circuits électriques,...) pourrait entraîner leur fermeture.
La révolte, la mutinerie sont des options imaginables, elles ont toujours été pratiquées depuis l’existence même des prisons. En Belgique, le bon déroulement de l’enfermement est perturbé depuis des années. Evasions, émeutes, protestations, prises d’otage des gardiens, des complicités dans la révolte se tissent. Dehors, de l’autre côté des murs de la prison, d’autres insoumis passent à l’attaque : agressions contre des matons, attaques contre les entreprises qui se font du fric avec l’enfermement, incendies contre les bâtiments de la Justice et de la police etc.
Mais si nous appelons à la révolte dans et contre les prisons, c’est aussi parce que dehors, nous nous retrouvons en fait en prison. Une prison à ciel ouvert, certes, mais qui enferme tout de même. Pour que chacun reste dans sa cage, la cellule de sa vie. Le nom de ces cellules varie à l’infini : travail, école, pauvreté,... et nous, les prisonniers, sommes surveillés de mille manières. Là aussi, nous appelons à la révolte. Révolte contre la ville carcérale où l’on habite, contre tout ce qui nous opprime et nous exploite. Si on réfléchit un peu, il y a mille manières pour perturber le fonctionnement quotidien du pouvoir. Pour transformer ce qui est invivable en ingérable. Pensez Bruxelles, il suffit de regarder autour de soi, plus à travers les yeux de la résignation, mais à travers les yeux de celui qui désire la liberté. En sachant que chaque geste de révolte, chaque refus de baisser la tête, chaque sabotage du train-train quotidien trouvera ses échos.
Le chaos et l’imprévisible sont les ennemis de l’ordre et du contrôle,
le bordel est notre langage joyeux.
Brique par brique, mur par mur, détruisons toutes les prisons.