En dépit de toutes les condamnations morales, nous avons quelque chose à dire.
Récemment, un jury et une cour d'assises ont condamné une femme à 20 ans d'enfermement. Une femme qui est aussi mère de deux enfants et qui ne pouvait ou ne voulait pas en avoir un troisième. Pendant neuf mois, elle a nié la grossesse pour elle-même et pour son environnement, et le jour de l'accouchement, elle a décidé qu'elle n'aurait pas un troisième enfant. Les cinq années qui suivirent, elle est traînée de cour en cour et finalement condamnée pour meurtre avec préméditation.
Les motivations d'un juge et d'une poignée de citoyens du jury étaient éloquentes. Ils n'avaient pas besoin de plus de 50 minutes pour arriver à leur conclusion, car elle était fixée depuis longtemps. Car, selon eux, on est, outre une femme, surtout une mère et, en tant que mère, on donne la vie, on ne fait pas d'autres choix.
Nous n'avons aucunement l'intention de rallier les convives des juges de toutes sortes et d'aller juger et condamner. Nous ne voulons pas faire des énonciations toutes faites à propos d'une situation qui est à chaque fois différente, et tellement complexe. Mais ce que nous pouvons dire, c'est qu'une société qui coince d'abord les gens et qui, ensuite, lève le doigt moraliste et leur reproche d'avoir cherché une issue ferait mieux de garder ses commentaires pour elle.
Non, ce n'est pas toujours simple pour une femme d'avoir recours à un avortement. À cause des structures peu présentes ou trop psychologistes, avec leurs médecins paternalistes qui veulent souvent nous convaincre d'avoir un enfant quand même. A cause du tabou qui est maintenu pour retirer à la femme l'emprise sur son corps. En outre, il faut d'abord comprendre la raison pour laquelle les règles tardent à venir, et le corps ne change pas toujours de manière visible. Avant qu'on ne le sache, les délais imposés pour un avortement légal sont souvent dépassés.
Non, beaucoup de femmes ne se trouvent pas dans un environnement, ni dans une situation qui sont ouverts à la discussion et à la prise de décisions, où elles peuvent développer leur propre choix sans jugements et condamnations moraux.
Ceux qui prétendent disposer d'une morale absolue et applicable partout et toujours sont ennemis de l'individualité, de la personnalité de chacun et de chacune. Ils essaient de mettre la vie entière, pourtant tellement complexe et contradictoire, dans des camisoles. C'est au nom de cette morale que des gens qui sont 'différents' ont été et sont encore détruits, c'est au nom de cette morale qu'une femme ne peut pas toujours choisir quand elle veut être mère ou non.
Que les doigts levés moralistes regardent d'abord autour d'eux. Des millions de personnes de tout âge sont tuées chaque jour par la guerre, la faim, la privation, la pauvreté. Mais ça, c'est de la “politique”, n'est-ce pas? “C'est quand même pas la même chose.” Comment le disait encore le dictateur Staline ? “Quand tu tues une personne, tu es un assassin. Quand tu en tues des millions, ça devient une statistique.” Il parlait de lui-même.
Que la justice garde ses commentaires pour elle, que la société la ferme pour une fois sur ce que cette femme a fait. C'est elle qui a choisit de ne pas avoir un troisième enfant et on peut le tourner comme on veut, c'est surtout à elle que la décision revient (et pas à la société, à l'État, à la justice ou qui que ce soit d'autre). Même si tu peux trouver malheureux la manière dont ça s'est passé. Même si tu peux penser que les pénibles conséquences d'une telle décision ne devrait pas avoir lieu dans un monde où les relations et la sexualité sont ouverts et libératrices et où nous ne sommes pas empêtrés et sous le feu des condamnations morales.