Forer et creuser...

Le 20 avril, la plateforme de forage 'Deepwater Horizon' part en flammes dans le Golfe du Mexique. Onze personnes meurent et 17 sont blessées. Au cours de la tentative d'éteindre le feu, la plateforme coule et la barre de forage perce. Et depuis lors, des tonnes de pétrole coulent dans l'océan, d'une profondeur de 1500 mètres. Il s'agit ici de 8 à 11 million de litres par jour. Mais comme le big boss Tony Hayward disait alors, tout ça ne pose pas tant de problèmes, car « le Golfe de Mexique est un très grand océan et la quantité de pétrole et de produits chimiques que nous y déversons est limitée comparée au volume d'eau au total. » Sérieux?!
Bon, comme nous le savions déjà, ces propos du manager, de léger mauvais goût, ne se sont pas avérés vraiment juste.

Depuis plus de 10 semaines déjà, le gouvernement américain et BP se chamaillent sur la responsabilité de cette misère, sur la 'solution du problème' et sur les travaux de nettoyage où, en plus de prisonniers obligés, sont employés des bénévoles mal équipés et mal informés, qui subissent de graves dégâts physiques.
Dans cette guerre contre le pétrole, tous les moyens sont bons – comme toujours lorsqu'il s'agit de défendre ou d'agrandir son capital ou son pouvoir. Tant qu'on ne touche pas à la logique qui se cache derrière.

Mais peut être pouvons-nous y consacrer un peu plus de mots:
Un tel fait avec une telle portée pour l'homme, l'animal et la nature mène en première et souvent en deuxième instance aussi à l'inquiétude et à la peur. Et ce, pas seulement sur place. Surtout un tel désastre comme celui-ci nous fait réaliser que la terre n'est pas assez grande pour pouvoir nous faire croire qu'il y aura toujours quelque chose comme un port dans la tempête. C'est vrai que nous ne sentirons pas les conséquences de la même manière, souvent même pas au même moment. Mais les destructions locales ne restent jamais seulement locales et ont toujours un effet pour la terre entière et donc pour nous tous et toutes. Si nous parlons du pétrole dans l'océan, cette pensée devient un peu plus évidente...

Le pas suivant, le résultat de ces pensées, a souvent un caractère très pratique. Sur place, cela signifie peut être de se manifester comme bénévole pour les travaux de nettoyage (et ne me comprends pas de travers, je comprends très bien pourquoi les gens le font). À cela s'ajoute peut être la diffusion d'information et la fondation de comités pour réclamer des indemnisations (dans ce cas-ci) de BP. Alors qu'ailleurs, l'inquiétude et l'indignation diminuent à mesure que l'article du journal se réduit.
Entre-temps, ils déversent, soi-disant dans la lutte contre le pétrole, tonne après tonne de poison dans l'océan. Pour la même raison, ils y mettent le feu et oops, d'innombrables animaux qui s'y retrouvent sont brûlés vifs. Sans oublier les milliers de petites et plus grandes créatures qui meurent, les personnes qui sont malades et la pluie qui semble tout à coup contenir du pétrole...
Ce qui attire l'attention dans un tel drame, c'est la dimension de la destruction, la corruption, l'arrogance et le pouvoir (dans ce cas-ci) de BP, les pleurnichements et la frénésie du gouvernement pour mettre fin aux désagréments.

Ok, jusque là tout va bien, nous touchons la terre. Mais ici et maintenant, c'est exactement cette terre fixe qui ne peut pas nous empêcher de continuer. Pas quand nous avons assez du tourbillon sans fin d'événements, qui nous entraîne et qui, finalement balancé dans un coin, nous laisse couchés, désemparés en apparence. Pas quand nous voulons venir aux fond des choses. Et donc nous commençons à creuser...

...la catastrophe pétrolière du Golfe du Mexique est seulement l'un des plus visibles abcès des jeux de pouvoir joués et gérés par les états, les politiciens et les lobbyistes. La région touchée à présent est en grande partie la même qui a été sévèrement ravagée par l'ouragan Katrina. Les digues qui ont
craquées, ont été construites par BP et d'autres compagnies pétrolières pour étendre leur business. Plus de 1800 personnes y ont trouvé la mort. Pensez aussi à la Chine où, mi-juillet, deux pipelines de BP -à nouveau- ont explosé, aux innombrables grands et plus petits accidents nucléaires, comme Tchernobyl, le plus mortel jusqu'à présent. Chaque désastre raconte l'histoire d'un monde qui est prêt à tout mettre en jeu pour maintenir des choses comme les nations, l'économie, la concurrence et la domination. Ce qui signifie que l'on puisse tous et toutes être utilisés comme possible mise. Par là, nous avons déjà creusé la première couche de terre douce et nous sommes arrivés à la cause. Mais si ces grands désastres n'expriment désormais que l'abcès visible, cela indique que la 'maladie' est présente en permanence et produit aussi des effets moins visibles. Et là, on se heurte aux premières pierres: un désastre est horrible, secouant et donne souvent lieu à des réactions de protestation. Mais si nous voulons réellement changer quelque chose, si nous voulons vraiment lutter, nous devons commencer à l'origine de la misère. Alors il s'agit de voir que ce monde, et comment il tourne à présent, ne peut que nous détruire. Il nous faut alors voir les conséquences quotidiennes et les 'petites calamités' et les reconnaître en tant que telles. Toutes les choses qui, coup après coup, nous font cogner la tête contre les murs qui nous entourent.
Et pour finir, revenons au discours de Tony à propos de la quantité peu problématique de pétrole et de produits chimiques en comparaison avec la largeur de l'océan. Chaque fichue goutte en est une de trop. Chaque rivière contaminée, chaque animal intoxiqué, chaque personne souffrant des conséquences de la destruction, est en une de trop. Trop pompeux? Loin de là. Ça signifie seulement que nous ne regardons pas à notre vie à travers les schémas de calculs des dominants. Comment nous nous rapportons à ce monde, comment nous ne laissons pas s'accorder notre flamme notre rage et notre combativité à la cruauté ou la douceur des puissants. Si nous luttons, c'est parce que nous portons en nous notre propre idée d'un autre monde.


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En plus de toutes les manifestations de protestation qui ont eu lieu dans plusieurs régions, certains ont aussi protesté avec plus de fermeté. Ainsi, vers début juin, des dizaines de pêcheurs ont bloqué la navigation à Bayou La Batre. Avec leur bateaux, ils ont empêché les véhicules de BP, parmi d'autres, de naviguer dans un des canaux. A savoir que plus de 3000 plateformes de forage sont opérationnelles dans le Golfe. Parce que ce n'est clairement pas le but de bloquer l'économie de telle manière, la police maritime est immédiatement intervenue et a arrêté quelques pêcheurs.