Des murs, de plusieurs mètres de haut. Dedans, quelques bâtiments où la lumière, filtrée par les barreaux, ne transparaît qu’à peine. Quand l'État aura fini ses 9 nouvelles prisons, ses murs seront probablement remplacés par sa variante plus moderne : des grilles. Comme nous pouvons déjà les discerner autour des centres fermés (ou camps de déportation pour ceux qui préfèrent parler sans ambages). Les grilles sont plus transparentes et comme nous le savons bien; la société démocrate adore ça. Le résultat demeure le même pour ceux qui sont enfermés à l'intérieur. Et alors que les prisons ressemblent de plus en plus à des centres fermés, le même État construit un nouveau centre qui ressemble de plus en plus à une prison. Doté de cellules individuelles et d’un contrôle permanent qui doit couper court à une continuation des multiples révoltes des dernières années. Car, peu importe si des personnes sont enfermées pour des raisons 'administratives' ou 'criminelles', elles ont tendance à s'évader et à se rebeller contre leurs bourreaux. Le dimanche 12 septembre, une émeute a encore éclaté dans le centre fermé à Merksplas, au même moment, la révolte faisait aussi rage dans la prison d’à côté, seulement séparée par une rue et des grilles.
Des vitrages, des hauts étages vers le ciel gris. Certains passants aimeraient bien se trouver à l'intérieur; la certitude d'un revenu convenable, plus de tracas de loyer et de factures. Beaucoup de ceux qui sont à l'intérieur, aimeraient bien se balader dehors, loin du climatiseur, de la routine, du champ de bataille social entre ceux qui veulent être dans les bonnes grâces des collègues ou des patrons, au prix des autres. Mais la porte d'entrée avec badge observe tout. Comme les portillons vitrés MoBIB que la STIB installe dans les métros bruxellois. Depuis leur nouveau siège central dans la rue de la Loi, ils l'avaient compris depuis un moment. “Le temps de la libre circulation des personnes est passé” ont-ils dit plusieurs fois déjà. Nous l'avions déjà compris quand les contrôles de tickets se sont avérés être aussi des contrôles d'identité. Cependant, la STIB a dû remplacer plusieurs installations endommagées et ses gardes de prévention se font harceler par des voyageurs fâchés.
Du barbelé et des barrières. Les frontières européennes sont abolies selon les uns, l'Europe est une forteresse selon les autres. Ils ont tous les deux raison et tort au même temps. À l'intérieur de l'Europe, les gardes frontières classiques ont disparus. Ça gênait trop l'économie et ils étaient trop faciles à esquiver de toutes façons. Dès lors, les contrôles d'identité sont partout, depuis le centre du territoire jusqu'à sa périphérie, sur les transports en commun, le long des rues. La Forteresse n'en est pas une, car, même à l'intérieur, on n'est pas à l’abri de ses gardes. La Forteresse en est une quand nous comptons les morts à ses frontières. 90% des 'pateras' ne rejoignent jamais le continent. Refoulés, ils disparaissent dans les vagues. Ou ils sont jetés sur les rivages de la Libye où ils attendent d'autres chances tout en se faisant exploiter, et l'État libyen reçoit des milliers d'euros pour les garder là. Des camps de réfugiés devant ses portes fermées aux camps de réfugiés dans le cœur de l'Europe; dans les parcs bruxellois. Des assauts des enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila au Maroc aux sabotages des entreprises qui s'enrichissent avec la machine à déporter dans plusieurs pays européens.
Des ficelles. Fins comme des toiles d'araignée que nous remarquons souvent au moment où nous sommes déjà tombés dans ses filets. La famille, la religion, l'ethnie... Dans les relations sociales, souvent il y en a un ou plusieurs qui veulent se sentir supérieurs, mieux ou plus purs. Humilier, exclure, commander. Tout ça fait partie du quotidien. Des bâtards autoritaires qui se prennent des coups de poing dans la face : heureusement, ça aussi fait aussi partie du quotidien.
Des frontières. Tant de différentes formes et couleurs. Elles enferment, elles excluent. Elles divisent la surface terrestre dans des bouts de terre, avec chacun leur propre maître. Et grâce aux religions, nationalismes, traditions et valeurs morales de toutes sortes, certains sont prêts à se sacrifier eux-mêmes et d'autres pour qu'un maître gagne un peu plus de terrain sur l'autre. Mais ça n’est qu’une partie de l'histoire. Il y en a aussi qui mettent des bâtons dans les roues du 'cours normal des choses'. Et nous sommes toujours à la recherche de plus de bâtons. Qui prend part?