Survivre dans la jungle de Bruxelles

Le froid hivernal a fait tourner les caméras de télévision vers ceux qui connaissent peu de chaleur, ces centaines de personnes qui logeaient dans le hall de la gare Bruxelles-Nord, dans cette dizaine de grands bâtiments récemment squattés par des sans-papiers, des familles sans toit, des pauvres. Soudain, un vent de préoccupation a semblé souffler à travers la société, mais ce vent a vite laissé la place à l’haleine chaude de l'État.

Le bourgmestre de Schaerbeek, Cécile Jodogne (habitant 109/1 avenue Huart Hamart, 1030 Schaerbeek) a promulgué un décret contre ceux qui logeaient à la Gare du Nord et envoyé la police les foutre dehors – et les garder dehors. A la demande de la SNCB, le bourgmestre de Molenbeek, Philippe Moureaux (habitant 24/7 avenue du Scheutbosch, 1080 Molenbeek) faisait expulser des dizaines de sans-papiers de hangars squattés depuis longtemps. Vingt d’entre eux ont été arrêtés et enfermés dans des centres fermés en attendant leur déportation. Les autres occupations n’ont pas seulement eu la police à la porte, mais aussi toute une armée de soi-disant « associations caritatives ». Ainsi, la Croix Rouge est passée pour faire la sélection entre ceux qui auraient droit à l’aide de secours et un toit et les autres (c’est-à-dire, la majorité) qui ne l’auront pas. D’autres associations ont proclamé dans les médias qu’ils faisaient tout pour aider ces gens – et en sont restés à ces déclarations d’intention. Chacun sait que Noël est la période par excellence pour bien faire ressortir l’hypocrisie et la tartufferie régnantes.

Entretemps, il semble que la chasse aux sans-papiers s’intensifie de nouveau. Ainsi, après réception de lettres d’invitation qui ne laissaient rien présager, des dizaines de personnes se sont rendues à l’Office des Étrangers, où la police les attendaient avec des bus pour les amener dans des centres fermés. Dans plusieurs villes, les histoires de policiers qui arrêtent des sans-papiers tôt le matin à leur domicile, qui les attendent devant les écoles, les ateliers, les mosquées et les églises pour leur offrir un aller-simple vers le centre fermé se font entendre.

Alors ? La police qui collabore avec des associations caritatives, des gens pris au piège par des fonctionnaires, des gens qui dénoncent leurs voisins sans-papiers, des propriétaires qui font expulser leurs bâtiments squattés par des sans-papiers manu militari,… Et pourtant, encore trop de personnes continuent à croire à la bienveillance de toutes ces institutions et organisations ; à une police qui n’interviendrait qu’en cas de situations antihygiéniques ; aux anges sauveurs flanqués d’avocats et d’assistants sociaux qui viennent prêcher l’attente et le calme chez les sans-papiers.

Combien de temps encore perdurera cette mascarade ? Combien de temps encore avant d’arracher les masques ? Combien de temps encore avec que les gens comprennent que ça ne mène nulle part de s’organiser avec l'État et ses amis, pour obtenir des choses de l'État – que la meilleure façon de lutter pour une vie qui vaut la peine d’être vécue, c'est de rompre avec ceux qui nous traitent comme des déchets à jeter à l’égout ou à mettre dans des camps, c’est de s’organiser contre l'État et ses amis ? A bas donc tous ces partis et ces politiciens, à bas ces syndicats et ces associations « humanitaires ». A bas cette charité hypocrite et ce pacifisme envers les fonctionnaires, les propriétaires et la police. Essayons au moins de chercher d’autres chemins qui n’aboutissent pas dans une rue sans issue.
Que la peur change de camps, que les responsables de toute cette misère sentent dans leur cou une autre haleine chaude, la nôtre !