Ce jour-là ne sera pas comme tous les autres dans la prison. Il sera différent des autres jours où les humiliations quotidiennes sont subies sans réplique et le chantage quotidien qui (doit) gomme(r) la résistance. Le 22 novembre, 40 prisonniers refusent de retourner aux cellules tranquillement.
Le mois de novembre était tout sauf tranquille. Au début du mois, les gardiens avaient fait une grève de 24 heures pour demander plus de personnels et plus de répressions. La police a pris la place des matons en grève et pour le reste: pas de visites, pas d'activités, pas de promenades etc. Une semaine après, quatre détenus refusaient d'être transférés vers une autre cellule, ils ne voulaient pas être des pions que la direction peut déplacer sur son tableau, comme bon lui semble. La police d'intervention est intervenue pour étouffer la résistance avec ses matraques.
Une semaine plus tard, la direction annonce qu'elle va encore endurcir le régime et réduire le temps du préau de moitié. Au lieu de 2 heures par jour, les détenus ne pourront sortir qu'une seule heure par jour. Sachant que les activités sont les premières à tomber quand les gardiens veulent mettre la pression, sachant qu'il y a de toute façon peu d'activités qui valent la peine (et qui sont réservées à ceux qui se comportent “bien”) et que l'heure de préau est le seul temps qu'on puise passer en dehors de la cellule, la direction fait un coup dur contre les prisonniers.
De ce fait, quelques détenus décident de braver le froid et prennent le risque de perdre leurs visites et d'autres “privilèges” en occupant le préau. Les négociations débutent mais sont vite bloquées. Tout le monde ne partage pas le choix de la voie rebelle et en réponse, certains se mettent à bloquer l'accès pour remonter à l'intérieur. C'est là que, pour la troisième fois dans un mois, la direction fait appel à ses Robocops de la police Malinoise. Six équipes d'intervention de flics armés et casqués prennent d'assaut la prison avec deux équipes canines. Les prisonniers ne se laissent pas faire et bravent les flics. Les accrochages durent jusque 23 heures du soir.
L’occupation de préau comme moyen de résistance est souvent utilisé par les prisonniers. Mais cette fois, le directeur de la prison de Malines, Hilde Guffens, a donné carte blanche à ses chiens de garde pour aller jusqu'au bout. Les jours suivants, la police reste toujours en prison et prend sa vengeance sur quelques détenus, sous l'œil approbateur de la direction.
Ali El Oualkadi, un kick boxeur malinois qui avait eu le courage il y a deux ans d'attaquer les flics lors d'une arrestation, a été complètement tabassé par la police d'intervention. Ils ont mis un sac plastique sur sa tête, l'ont attaché à une chaise, l'ont menotté les pieds et les mains et l'ont écrasé. Son crâne est ouvert de l'oreille gauche à celle de droite. Il a été transféré à la section médicale de Saint-Gilles (BXL) et très vite, ils ont compris qu'il avait été blessé au point de devoir subir une opération dans un hôpital à Bruxelles.
Lahoucine El Haddouchi et son frère Hoessein ont aussi été tabassés par la police malinoise. Lahoucine est le gars qui a aidé son pote à s'évader avec un hélicoptère depuis la prison de Bruges. Lui aussi a été attaché sur une chaise, menotté et battu KO par la police. Il a été transféré à la section médicale à Saint-Gilles et est actuellement enfermé dans la section de haute sécurité, inaugurée là-bas il y a quelques mois.
Quand les prisonniers rebelles arrivent à Saint-Gilles, tout ne se passe pas tranquillement. Un prisonnier cherche la bagarre à un adjudant et est mis au cachot où il détruit tout ce qu'il peut. Le préau de Saint-Gilles est brièvement occupé en solidarité avec l'émeute de Malines.
La presse est muette comme une tombe en ce qui concerne les actes de torture commis par la police. Elle se contente de mentionner que “trois prisonniers ont été transférés”. La presse confirme de plus en plus son rôle de porte-parole de l'Etat et de ses chiens de garde. Elle déforme la réalité, passe sous silence ce qui pourrait éventuellement choquer et passe aussi sous silence, la résistance qui a lieu dehors comme dedans.
Mais ce n'est pas une surprise. Nous savons depuis longtemps que les médias, la police, le personnel et l'administration pénitentiaire sont nos ennemis. Beaucoup savent que la police malinoise, plus spécifiquement, est une bande de tarés violents qui sont protégés par leur bourgmestre Bart Somers. Ils ont voulu donner un message aux prisonniers, et à nous dehors: la résistance ne sera plus tolérée.
Mais qu'ils ne se trompent surtout pas, ils n'ont fait qu'attiser notre détermination, car notre désir de liberté ne se laissera pas étouffer.